Boston, 27 juin 2025 – Par YVES CAJUSTE, InfoHaïti.net – Cinq procureurs généraux démocrates – Andrea Joy Campbell (Massachusetts), Matthew J. Platkin (New Jersey), Nick Brown (Washington), Rob Bonta (Californie) et William Tong (Connecticut) – ont tenu une conférence de presse virtuelle ce matin pour commenter la décision de la Cour suprême des États-Unis relative à un décret présidentiel signé par Donald Trump.
Ce décret, contesté en justice, vise à limiter le droit à la citoyenneté par la naissance pour les enfants nés sur le sol américain de parents sans statut légal.
Bien que la Cour ait choisi de ne pas se prononcer sur le fond, elle a prolongé la suspension de l’exécution du décret pour une période de 30 jours et a renvoyé l’affaire devant les juridictions inférieures. Les procureurs généraux concernés ont salué ce maintien temporaire de l’injonction, tout en déplorant l’absence de clarification de la Cour sur un droit constitutionnel pourtant établi depuis la fin du XIXe siècle, en vertu du 14e amendement.
Une défense concertée du 14e amendement
Prenant la parole en ouverture de cette conférence de presse virtuelle, le procureur général du New Jersey, Matthew Platkin, a souligné l’importance historique du 14e amendement, adopté après la guerre de Sécession, qui garantit la citoyenneté à toute personne née sur le territoire américain. Il a insisté sur la nécessité d’une injonction à portée nationale afin d’éviter une fragmentation juridique entre États : « Un enfant né au Texas peut résider ensuite dans le New Jersey. Sans norme unique, le système deviendrait ingérable. »
Andrea Joy Campbell, procureure générale du Massachusetts, a abondé dans le même sens, déclarant : « La citoyenneté ne peut pas dépendre du lieu de naissance à l’intérieur du pays. La Constitution garantit un droit uniforme, indépendamment des frontières étatiques. »
Une procédure relancée devant les juridictions de première instance
Les intervenants ont unanimement rappelé que la décision de la Cour suprême ne constitue pas une conclusion définitive. Le renvoi de l’affaire vers les tribunaux de district – notamment devant le juge Leo T. Sorokin (District du Massachusetts) – ouvre une nouvelle phase judiciaire. Les procureurs généraux entendent y démontrer la nécessité d’une injonction applicable à l’ensemble du territoire américain.
Rob Bonta, procureur général de Californie, a précisé : « Une injonction nationale est indispensable pour assurer une protection cohérente des droits des enfants nés sur le sol américain. Un traitement différencié selon les États entraînerait des difficultés pratiques majeures pour les familles, les services administratifs et les tribunaux. »
Des implications concrètes pour des millions de familles
Le procureur général du Connecticut, William Tong, a évoqué la portée humaine de ce débat juridique. Revenant sur son propre parcours, il a rappelé qu’il était devenu citoyen américain dès sa naissance à Hartford, un droit qu’il estime aujourd’hui menacé. Il a cité l’arrêt United States v. Wong Kim Ark (1898), dans lequel la Cour suprême avait reconnu que la citoyenneté s’applique aux enfants nés de parents immigrés aux États-Unis. « Des millions d’Américains, moi y compris, sont les héritiers de Wong Kim Ark. Ce précédent reste fondamental », a-t-il affirmé.
Nick Brown, de l’État de Washington, a mis en garde contre le risque d’un système à deux vitesses, dans lequel certains enfants nés dans des États non impliqués dans la procédure judiciaire pourraient se voir privés de droits que d’autres conserveraient.
Une réponse politique et institutionnelle structurée
Les procureurs généraux ont également exprimé leur frustration face à l’inaction de plusieurs de leurs homologues républicains, qu’ils accusent de ne pas défendre les droits de leurs concitoyens. Ils ont insisté sur le rôle crucial que jouent les AG des États dans la préservation des principes constitutionnels. Andrea Campbell a rappelé que seule une modification formelle de la Constitution par voie d’amendement – impliquant le Congrès et les États – peut modifier le contenu du 14e amendement, et non un simple décret présidentiel.
La coordination entre les procureurs généraux démocrates, engagés dans une vingtaine d’actions judiciaires conjointes depuis le début de l’année, a été saluée comme un exemple d’action fédérale concertée. Plusieurs intervenants ont souligné le travail des équipes juridiques et des solliciteurs généraux dans la conduite de ce dossier complexe.
Une mobilisation juridique prolongée
La prochaine étape consistera à présenter à nouveau devant le tribunal de district des arguments justifiant l’extension de l’injonction à l’ensemble du territoire national. Selon Matthew Platkin, « la Cour suprême a reconnu que les procureurs généraux des États sont les mieux placés pour défendre l’intérêt public dans ce contexte. »
Dans un climat juridique incertain, les procureurs généraux démocrates ont réaffirmé leur volonté de maintenir la pression judiciaire et politique. « La citoyenneté par la naissance est encore en vigueur, mais l’incertitude règne », a déclaré Nick Brown. Tous ont conclu sur la nécessité de poursuivre la mobilisation, tant sur le plan judiciaire qu’auprès du grand public.
En dépit des limites de la décision rendue par la Cour suprême, les procureurs généraux démocrates entendent poursuivre leur action pour faire reconnaître, devant les juridictions inférieures, que la citoyenneté par la naissance est un droit constitutionnel non négociable. Leur objectif demeure d’obtenir une injonction nationale permettant d’assurer une application uniforme du 14e amendement, quelle que soit la situation migratoire des parents ou l’État de naissance de l’enfant.