Ce qui va se passer en Haïti après le 7 février 2016 ne concernera plus Michel Martelly comme Président de la République, parce qu’il ne sera plus qu’un ancien Président. Le vide de pouvoir que nous allons constater n’arrivera que par la faute de Michel Martelly. Quand le Sénat ou le Parlement aura constaté le vide de pouvoir le 7 février 2016, Michel Martelly s’il refuse de laisser le Palais selon les prescrits de la Constitution sera un intrus qui pense pouvoir confisquer le pouvoir.
Le Décret électoral sous l’emprise duquel Martelly a été élu est clair et précis, son mandat prend fin à la cinquième année de son élection tout comme la Constitution en son article 134-3 dispose :” Le Président de la République ne peut bénéficier de prolongation de mandat…”
Martelly voudrait que l’on ne traine pas pour arriver au 7 février sans une solution. Mais qui a trainé pendant cinq ans sans organiser aucune élection? Vouloir défier le pays et entrer en rébellion contre la Constitution et contre la loi aura immanquablement des conséquences pour Michel Martelly et pour le pays.
Quand la révolte populaire éclatera avec tout le cortège de malheurs que cela pourrait entrainer, on rendra les autres responsables de la violence habituelle qui caractérise la fin du pouvoir dans notre pays, quand elle arrive dans la confrontation ou de manière forcée.
Michel Martelly aura été irresponsable jusqu’à la fin. Quant à nous, nous regardons les événements avec circonspection. Nous voyons le pouvoir entrainer le pays sur la voie de la violence. La mobilisation d’anciens militaires dans le Plateau Central, les déclaration sécessionnistes de Guy Philippe, la nouvelle proposition du Président Martelly pour rester au-delà de son terme et cette sortie à Cité Soleil ce 28 janvier qui dévoile ses véritables intentions, l’appel du pied à l’OEA pour une mission de médiation, sont autant de faux pas qui ne peuvent que faire augmenter les tensions.
Il n’y a aucune négociation possible sur le départ du Président à la fin de son mandat. Son maintien est également le maintien de la crise qu’il a produite par son refus délibéré d’organiser des élections. Tout comme deux tiers du Sénat était parti entre 2012 et 2015, tout comme les Députés étaient partis en janvier 2015, Michel Martelly ne doit en aucune façon bénéficier de prolongation illégale et inconstitutionnelle de son mandat. Son départ permettra un apaisement des tensions et le temps qu’il a perdu pendant cinq ans ne saurait être rattrapé en quelques jours. Le Président Martelly qui a fait la sourde oreille tout le long de son mandat quant à la convocation du peuple pour choisir de nouveaux maires, de nouveaux Casecs et Asecs, de nouveaux Députés et de nouveaux Sénateurs n’a aucun crédibilité pour tenter de faire pression sur la classe politique pour obtenir qu’ils arrivent à un accord politique avant le 7 février, pour répondre à son propre agenda!
On ne voit pas comment Michel Martelly qui est l’élément principal de la crise puisse être celui qui puisse prétendre décider en toute autonomie de son avenir, en brandissant la menace de la confiscation du pouvoir. Le Président de la République qui a toujours agi comme s’il était le seul à bord, n’a plus à lui seul les leviers de la commande. Le 22 janvier dernier, le peuple souverain s’est exprimé sans ambages et les pages de notre histoire sont remplis de pages et d’événements regrettables qu’il aurait mieux valu ne pas écrire à nouveau.
La provocation du pouvoir sait provoquer des réactions dans la même proportion, on l’a connu avec les événements qui ont servi de prétexte à l’occupation de notre pays en 1915; on l’a vu le 7 février 1986 il y a à peine trente ans; on a vu les déchirements du mois de février 2004 et les jours d’après. Le peuple a donné un signal le 22 janvier 2016, il ne faut aucun acte désespéré qui puisse porter à un déchainement de passions dont on ne saurait mesurer l’impact et la magnitude.
Cependant, les acteurs politiques en présence doivent faire preuve de dépassement de soi pour trouver une solution de concorde pour remplir le vide de pouvoir que laissera le départ du Président Martelly au 7 février 2016.
L’invitation faite par le Chef de l’État de venir comme médiateur dans la crise est inappropriée. Nous connaissons les antécédents des missions de l’OEA depuis la crise du coup d’État du 30 septembre 1991. Depuis Augusto Ramirez Ocampo Représentant du Secrétaire Général de l’OEA en décembre 1991 à Dante Caputo Représentant du Secrétaire Général de l’ONU en janvier 1993 jusqu’à plus récemment Luigi Enaudi dans la crise des élections du 21 mai 2000 avec plus de vingt-quatre (24) voyages de médiation entre Lavalas et la Convergence Démocratique, malgré les multiples Résolutions infructueuses et l’implication personnelle du Secrétaire Général d’alors de l’OEA, Joao Clemente Baena Soares, la création et le déploiement de la MICIVIH, la mission OEA-Démoc, l’OEA n’a jamais fait abouti aucun dossier comme médiateur dans les crises haïtiennes. Plus tard, dans les élections de 2006 et de 2010 on a eu les coups-fourrés de l’OEA pour éviter le deuxième tour en 2006 et favoriser le déclassement et le reclassement de candidats en 2010, mais son image a pris de multiples puis depuis.
Aujourd’hui, l’OEA n’est pas la bienvenue en Haïti, nous devons nous entendre, nous surpasser pour trouver la solution entre nous et éviter que les envoyés spéciaux de l’OEA qui n’ont pas une meilleure compréhension du problème que nous, nous imposent une solution à la mesure de la vision déformée qu’ils ont de nous et de nos élites dirigeantes…
Hérold, Jean-François, PDG de Radio IBO (98.5 FM Stéréo, Haïti)