Wednesday, April 24, 2024
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Les immigrés poussés à faire tourner coûte que coûte les usines de volailles américaines

Le coronavirus a frappé de plein fouet les ouvriers haïtiens de la filière avicole américaine, une main d’oeuvre bon marché mais vitale pour une industrie devenue stratégique aux Etats-Unis où les autorités craignent une pénurie de viande.
“Chaque jour, je prie Dieu qu’il ne m’arrive rien”, dit à l’AFP Tina, employée dans une usine de transformation de volaille du groupe Perdue à Georgetown, dans le Delaware, qui vit dans la peur du virus.
“Je voudrais rester chez moi avec mes trois enfants mais je n’ai pas le choix, les factures arrivent de droite et de gauche”, explique la jeune femme de 27 ans.

C’est l’une des très rares à accepter de s’exprimer, en refusant de donner son nom complet par peur des représailles car Perdue est l’un des plus gros employeurs de la région.

L’entreprise refuse de donner des informations sur les cas positifs détectés, alors “tout le monde a peur, on travaille très près les uns des autres et c’était peut-être quelqu’un à côté de moi, à qui j’ai parlé”, dit la jeune femme qui dénonce des mesures de précautions sanitaires trop tardives et insuffisantes.

“Ils devraient fermer l’usine quelques semaines pour la désinfecter entièrement”, explique-t-elle, le visage dissimulé sous un masque chirurgical.

Les cas de coronavirus ont récemment explosé dans les usines de la péninsule de la Delmarva, une région qui s’étend entre le sud du Delaware, l’est du Maryland et le nord-est de la Virginie.

Les Haïtiens et les Hispaniques sont les premières victimes du virus. Ils forment le gros d’une main d’oeuvre bon marché dans une filière cruciale pour l’économie alors que la viande de poulet est la plus consommée aux Etats-Unis.

La petite ville de Salisbury, siège historique de Perdue, abrite quelque 5.000 Haïtiens dont au moins 40% sont contaminés, selon l’estimation d’Habacuc Petion, fondateur de Radio Oasis, qui émet en créole haïtien pour la communauté estimée à 20.000 membres dans la Delmarva.

Beaucoup refusent le confinement par peur d’être licenciés. “Même s’ils ont de la fièvre, ils prennent un comprimé et vont travailler”, explique le responsable associatif de 45 ans.

Le Covid-19 l’a “touché au coeur” avec le décès de son cousin, âgé de 44 ans. Employé à l’usine Perdue de la ville, il a été hospitalisé début avril pour une insuffisance respiratoire. Il est mort moins de deux semaines plus tard.

La maladie progresse aussi à cause de la peur de l’hôpital et la barrière de la langue, estiment des médecins.

“En voyant les images de New York et des fosses communes, les gens ont eu peur de ne pas recevoir les soins adéquats à l’hôpital et d’y mourir”, explique Nadya Julien, une infirmière libérale qui traite de nombreux ouvriers dans son cabinet de Laurel (Delaware).

Elle-même victime du Covid-19 et hospitalisée pendant dix jours en avril, elle raconte désormais son histoire à ses patients pour les convaincre de surmonter leur peur.

Une partie des malades, qui parlent créole et très peu anglais, ont aussi du mal à expliquer leurs symptômes. “Parfois, le message se perd dans la traduction”, souligne le Dr Julien.

Le Dr Emanie Dorival a alerté très tôt les autorités locales sur l’épidémie après avoir vu les cas positifs s’accumuler dans son cabinet médical de Seaford (Delaware).

“Nous sommes dans une zone rurale et nous n’avons pas les capacités hospitalières suffisantes si 200 cas apparaissent d’un coup”, dit-elle.

L’industrie de la volaille “est essentielle, elle doit rester ouverte car nous avons tous besoin de manger, mais il faut assurer la sécurité des ouvriers et de la communauté”, affirme-t-elle.

Face au risque de pénurie et de perturbation des approvisionnements, Donald Trump a ordonné aux usines de transformation de viande et de volaille de continuer à fonctionner malgré la pandémie.

Le groupe Perdue assure garantir la sécurité de ses employés: prise de température, équipements de protection, distanciation sociale dans les espaces communs et sur les lignes de production. Là où c’est impossible, des séparateurs ont été installés, dit Perdue dans un communiqué.

Le groupe a également augmenté les salaires mais pour Habacuc Petion, “c’est une tentation à laquelle beaucoup de gens ne peuvent pas résister”.
Les autorités locales multiplient les campagnes de dépistage, en priorité pour les salariés de la filière. A Salisbury, plus de 1.500 personnes ont fait vendredi et samedi le test dans le stade de la ville. Les résultats sont attendus cette semaine.

 

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