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BOSTON (Massachusetts) – PAR YVES CAJUSTE – Dans une décision aux implications profondes, la Cour pénale internationale (CPI) a émis le jeudi 21 novembre dernier des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, l’ancien ministre de la Défense Yoav Galant et le dirigeant militaire du Hamas, Mohammed Deif.
Cette décision marque une étape importante dans la responsabilisation des acteurs impliqués dans des crimes graves au Moyen-Orient. Lors d’une interview exclusive accordée à CAMERA MOSAIQUE pour MCTV , le professeur Pacifique Manirakiza, spécialste en droit pénal international et professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, a analysé les enjeux juridiques, symboliques et pratiques de cette décision historique.
Des accusations graves
Les trois personnalités sont accusées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, des incriminations qui incluent des attaques ciblées contre des civils, l’affamement de populations civiles et des violations graves des droits de l’homme. L’attaque du 7 octobre 2023, ayant causé de lourdes pertes humaines, est spécifiquement qualifiée de crime contre l’humanité. Selon le professeur Manirakiza, ces accusations illustrent que, même en situation de conflit, certaines méthodes de guerre, notamment l’usage de la famine comme arme, sont absolument interdites par le droit international humanitaire.
Une portée symbolique considérable
Dans cet entretien qui sera diffusé sur pluiseurs chaines publques dans le Massachusetts, le professeur Manirakiza souligne que ces mandats envoient un message clair : aucune personne, quelle que soit sa position ou sa puissance, n’est au-dessus de la loi internationale. En visant un dirigeant d’un État allié aux grandes puissances occidentales comme Israël, la CPI démontre son indépendance et son engagement à faire respecter les principes fondamentaux du droit international.
Les obstacles à l’application
Cependant, la mise en œuvre de ces mandats soulève des défis majeurs. La CPI, contrairement aux juridictions nationales, ne dispose pas de force policière pour exécuter ses décisions. Elle dépend entièrement de la coopération des États membres. Le professeur Manirakiza, expert en droit pénal international, rappelle des précédents où des mandats similaires, notamment contre l’ancien président soudanais Omar el-Béchir, n’ont pas été exécutés, même après plusieurs décennies.
Le statut particulier d’Israël
Israël n’étant pas membre de la CPI, sa coopération avec la Cour reste improbable. Toutefois, la compétence de la CPI est justifiée par le fait que les crimes reprochés ont été commis sur le territoire palestinien, lequel est reconnu comme un État membre de la Cour. Selon le professeur Manirakiza, cette situation crée une obligation légale pour tous les États membres de collaborer, bien que cette coopération reste hypothétique dans la pratique.
L’impact sur les relations internationales
Les mandats d’arrêt pourraient également compliquer les relations diplomatiques entre Israël et les États membres du Statut de Rome. Certains de ces États ont déjà exprimé leur intention d’arrêter Netanyahou s’il venait à fouler leur sol, une déclaration qui, selon le professeur Manirakiza, mettra à l’épreuve la détermination des gouvernements concernés.
Les accusations spécifiques
Parmi les accusations les plus marquantes portées contre Netanyahou et Galant figure l’utilisation de la famine comme méthode de guerre. Le professeur Manirakiza insiste sur la gravité de cette accusation, rarement portée dans le cadre des crimes internationaux. Il la considère comme un pas important dans la reconnaissance des souffrances infligées aux populations civiles durant les conflits armés.
Les crimes sexuels dans le conflit
Les accusations contre Mohammed Deif, le Chef militaire du HAMAS, incluent également des crimes sexuels, une problématique devenue centrale dans les enquêtes sur les crimes de guerre. Le professeur Manirakiza estime que cette reconnaissance renforce l’idée que même en temps de guerre, certaines conduites, telles que la violence sexuelle, sont inacceptables et doivent être poursuivies.
La réponse internationale
La décision de la CPI a suscité des réactions mitigées sur la scène internationale. Les États-Unis, tout comme la Hongrie de Viktor Orbán, ont exprimé leur désapprobation, soulignant leurs alliances stratégiques avec Israël. Selon Manirakiza, ce rejet reflète aussi l’absence d’obligations juridiques pour ces pays, qui ne sont pas signataires du Statut de Rome.
La CPI face à ses défis
Face aux refus de coopération, la CPI peut saisir l’Assemblée des États membres, mais cette démarche reste limitée à des pressions diplomatiques, sans sanctions concrètes. Cette faiblesse structurelle, selon Manirakiza, mine l’efficacité de la Cour dans l’exécution de ses décisions.
Un signal pour la justice internationale
Malgré ces limites, le professeur Manirakiza voit dans ces mandats une avancée majeure pour le système judiciaire international. En élargissant ses enquêtes à des figures politiques et militaires de pays puissants, la CPI s’éloigne de l’image d’une justice ciblant uniquement les États en développement.
Le cas controversé de Mohammed Deif
L’émission d’un mandat d’arrêt contre Mohammed Deif, bien qu’il soit probablement décédé, soulève des questions. Selon Manirakiza, la CPI maintiendra cette décision jusqu’à la confirmation officielle de son décès, montrant ainsi son engagement à suivre les procédures judiciaires rigoureuses.
Une avancée dans la responsabilisation internationale
En conclusion, le professeur Manirakiza considère ces mandats comme un signal fort pour la responsabilisation internationale dans les conflits armés. Ils renforcent l’idée que, même en situation de guerre, certaines actions restent inacceptables et passibles de poursuites.
L’interview du professeur Pacifique Manirakiza dans son intégralité.