Port-au-Prince, 20 mars 2025 —PAR YVES CAJUSTE – En cette Journée internationale de la Francophonie, célébrée sous le thème « Je m’éduque, donc j’agis », le gouvernement haïtien a saisi l’occasion pour honorer l’un de ses plus illustres écrivains : Frankétienne, disparu le 20 février dernier. Lors d’une cérémonie organisée par le Ministère de la Culture et de la Communication, une plaque posthume a été remise à sa veuve, Marie-Andrée Manuel Étienne, en reconnaissance de l’apport inestimable de l’écrivain à la langue française et à la culture haïtienne.
Présente à la cérémonie, Mme Étienne a livré un témoignage profondément émouvant sur les derniers instants de vie de l’auteur. Elle a rappelé avec tendresse et douleur la manière paisible et fidèle à ses vœux avec laquelle Frankétienne s’est éteint : « Il disait toujours qu’il ne mourrait jamais à l’hôpital, qu’il partirait dans sa chambre, sur son lit, un bel après-midi d’été. Et il est réellement parti ainsi. » Évoquant ses souffrances, son courage, son humour jusqu’à la dernière heure, elle a conclu en citant l’une de ses phrases préférées, gravée dans leur maison : « S’il advienne que vous tombiez, apprenez vite à chevaucher la chute, que votre chute vous serve de cheval pour continuer le voyage. »
Prenant la parole lors de cette cérémonie, le ministre haïtien des Affaires étrangères, Jean Victor Harvel Jean-Baptiste, a salué la mémoire de Frankétienne ainsi que celle d’Anthony Phelps, autre grande figure de la littérature haïtienne récemment disparue. Le ministre a souligné que l’éducation et la culture, piliers historiques de la coopération francophone, demeurent des leviers essentiels pour le redressement du pays. Dans un vibrant appel, il a exhorté les partenaires de la Francophonie à renforcer leur soutien à Haïti, particulièrement face à une violence fabriquée qui, selon lui, « ne s’articule ni de nos valeurs, ni des aspirations de notre jeunesse ».
Le chef de la diplomatie haïtienne a également dénoncé la fermeture, en février, des bureaux de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) en Haïti, conséquence directe de l’insécurité grandissante. Il a exprimé l’espoir d’un retour rapide de cette institution, dont l’action est jugée indispensable au renforcement de l’enseignement supérieur dans le pays.
À l’issue de la cérémonie, l’ambassadeur de France en Haïti, Antoine Michon, s’est exprimé devant la presse. Il a qualifié l’hommage à Frankétienne de « profondément émouvant » et salué « l’œuvre de cet artiste total, universel ». L’ambassadeur a également réaffirmé l’engagement de la France à soutenir Haïti sur les plans culturel, éducatif et sécuritaire. « Le rétablissement de la sécurité est une priorité absolue », a-t-il insisté, évoquant notamment l’appui matériel et logistique de la France à la Police nationale haïtienne, ainsi que le soutien apporté à la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS).
Alors que les établissements scolaires ferment, que les universités peinent à fonctionner, et que les acteurs de la culture se battent pour préserver un espace de création dans un pays en crise, cette Journée de la Francophonie aura été, en Haïti, à la fois un cri d’alarme, un appel à la solidarité internationale, et un hommage à la parole, à la mémoire et à l’espérance.
Un extrait de la cérémonie de célébration de la Journée Internationale de la Francophonie le Jeudi 20 Mars à l’Hôtel Montana :