Revere, 27 Mai 2025- Par YVES CAJUSTE, InfoHati.net – La gouverneure Maura Healey, aux côtés des sénateurs Elizabeth Warren et Ed Markey, a donné une conférence de presse au Revere Care Center de la Cambridge Health Alliance afin de dénoncer les coupes proposées dans le programme Medicaid par l’administration Trump.D’après leurs estimations, si le projet de loi adopté par la Chambre des représentants devait être entériné par le Sénat, plus de 250 000 résidents du Massachusetts perdraient leur couverture santé.
« Il ne s’agit pas d’un enjeu partisan, mais d’une question vitale, littéralement de vie ou de mort », a affirmé la gouverneure Maura Healey, s’adressant à un auditoire composé d’élus locaux, de professionnels de la santé et de patients. « On évoque une intervention ciblée à l’aide d’un scalpel, mais il s’agit en réalité d’un coup de hache porté à des centaines de milliers de vies. »
« Les gens vont perdre leurs soins, et certains vont mourir »
Selon la gouverneure Healey, ces coupes budgétaires mettent en péril le programme MassHealth, qui assure actuellement la couverture santé de près de deux millions de résidents du Massachusetts, parmi lesquels figurent en grand nombre des personnes âgées, des enfants, des travailleurs précaires et des individus en situation de handicap. « Imaginez une femme de 40 ans atteinte de troubles psychiatriques sévères. Elle occupe un emploi à temps partiel et dépend de MassHealth pour accéder à ses soins. Demain, elle pourrait tout perdre : son accompagnement médical, ses traitements, ses services essentiels. Elle se retrouverait sans solution, livrée à elle-même. »
La gouverneure a par ailleurs souligné les répercussions systémiques que ces coupes budgétaires pourraient engendrer, affectant l’ensemble de l’infrastructure sanitaire — des hôpitaux aux établissements de soins de longue durée, en passant par les centres de santé communautaires — et compromettant par conséquent l’équilibre économique local. « Les hôpitaux ne disposeront pas des ressources nécessaires pour absorber de telles charges financières ; nombre de centres de santé seront contraints de cesser leurs activités, et les maisons de retraite devront refuser de nouveaux résidents. Au final, ce sont les contribuables et la collectivité tout entière qui en assumeront le coût. »
Warren : « Un transfert historique de richesse vers les plus riches »

Intervenant après gouverneure, la sénatrice Elizabeth Warren a vivement dénoncé ce qu’elle a qualifié de « transfert de richesse le plus massif de l’histoire des États-Unis des plus modestes vers les plus fortunés ».
« Le projet de loi adopté la semaine dernière par la Chambre des représentants prévoit de priver 14 millions d’Américains de leur couverture santé, dont près de 250 000 résidents du Massachusetts, dans le seul but de financer des allégements fiscaux au bénéfice de figures comme Elon Musk, Jeff Bezos ou Mark Zuckerberg. C’est tout simplement inadmissible », a-t-elle déclaré avec force.
« Nous estimons que personne aux États-Unis ne devrait être privé de soins de santé pour permettre à Elon Musk de financer un voyage spatial vers Mars.
« Nous affirmons qu’aucune personne âgée ne devrait être abandonnée à son sort sous prétexte que Mark Zuckerberg souhaite acquérir une île hawaïenne supplémentaire, et qu’aucune personne en situation de handicap nécessitant l’assistance d’un aide-soignant à domicile ne devrait y renoncer afin que Jeff Bezos puisse s’offrir un troisième yacht » a martelé Elizabeth Warren.
La sénatrice a rappelé que près de la moitié des enfants du Massachusetts bénéficient actuellement de la couverture offerte par le programme MassHealth, tout comme environ deux tiers des personnes âgées résidant en établissements spécialisés. « Si ce projet de loi venait à être adopté, il aurait pour effet de priver de nombreux enfants de l’accès aux traitements médicaux de base, de contraindre un grand nombre de personnes âgées à renoncer aux services d’aide à domicile, et de plonger des familles entières dans des situations critiques, les obligeant à se tourner vers les services d’urgence en l’absence de soins préventifs accessibles », a-t-elle mis en garde.
Markey : « Un plan pour rendre l’Amérique malade à nouveau »

Le sénateur Ed Markey a, quant à lui, dénoncé ce qu’il qualifie ironiquement de « programme visant à rendre l’Amérique de nouveau malade », détournant ainsi le slogan emblématique de l’ancien président Trump.
« Lorsque Lyndon B. Johnson a instauré les programmes Medicare et Medicaid, son ambition était de garantir à chaque citoyen américain, indépendamment de sa condition sociale, un accès équitable à des soins de santé de qualité. Aujourd’hui, Donald Trump et ses alliés cherchent à démanteler ces dispositifs fondamentaux, en dépouillant les plus vulnérables pour favoriser davantage les plus fortunés. Il ne s’agit pas seulement d’une faute morale, mais d’une attaque directe contre les fondements mêmes de notre système de santé publique. »
Markey a rappelé que Medicaid couvre actuellement 72 millions d’Américains, dont environ deux millions dans le seul État du Massachusetts. Il a également évoqué les conséquences concrètes de précédentes coupes budgétaires opérées dans les années 1990, qui avaient entraîné la fermeture d’hôpitaux communautaires à Revere, Malden et Stoneham. « L’histoire nous enseigne que ce type de décisions n’est pas sans conséquence : ces coupes budgétaires peuvent bel et bien coûter des vies. »
La sénatrice Lydia Edwards dénonce une atteinte à la dignité humaine

Prenant la parole après le sénateur fédéral Ed Markey, la sénatrice de l’État du Massachusetts Lydia Edwards a livré un message engagé contre le projet de loi soutenu par l’administration Trump, qui prévoit d’importantes réductions du programme Medicaid.
Elle a affirmé que « l’accès à des soins de santé abordables constitue un droit humain fondamental ». À ses yeux, les coupes budgétaires envisagées vont bien au-delà d’un simple ajustement financier : « Il s’agit d’une attaque contre notre dignité, d’une atteinte à notre humanité. »
La sénatrice Edwards a mis en lumière les répercussions concrètes que ce projet pourrait avoir sur les familles les plus précaires. « Les citoyens seront contraints de prendre des décisions financières là où ils devraient pouvoir se concentrer sur leur santé. Ils devront choisir s’ils peuvent acheter leur insuline, décider quel enfant ira à l’hôpital et lequel pourra consulter un dentiste. »
Elle a également averti que ces réductions ne feraient qu’accentuer les disparités raciales en matière d’accès aux soins, notamment dans des quartiers tels qu’East Boston. « Le Massachusetts a historiquement été un leader en matière d’accès universel à la santé. Ces avancées ont renforcé la santé publique, stimulé l’innovation et permis à de nombreuses personnes de prendre leur envol », a-t-elle souligné.
Rendant hommage à l’engagement de la législature du Massachusetts et de la gouverneure Maura Healey, la sénatrice a conclu en appelant à une réponse collective : « Ce que certains cherchent à sanctionner, c’est le succès de notre modèle. Mais nous ne resterons pas silencieux. Nous allons résister, ensemble. »
Michael Curry : « Derrière chaque chiffre, il y a une vie »

Michael Curry, président-directeur général de la Massachusetts League of Community Health Centers, a livré un témoignage à la fois personnel et profondément engagé, mêlant dimension humaine et analyse des enjeux politiques.
« On évoque souvent des montants en milliards de dollars. Pour ma part, je préfère parler des individus. D’une femme de 50 ans qui, grâce à Medicaid, est aujourd’hui en rémission d’un cancer de la thyroïde. D’un patient haïtien vivant avec le VIH qui a pu, grâce à un accès aux soins, faire diagnostiquer et traiter son enfant également séropositif. D’une personne âgée atteinte de diabète, qui, faute de médicaments, risquerait une chute et une hospitalisation en urgence. C’est cela, la réalité des conséquences humaines de ces politiques », a-t-il déclaré.
Curry a également mis en lumière les répercussions structurelles que ces coupes budgétaires feraient peser sur les centres de santé communautaires : « Si ces réductions sont appliquées, nous serons contraints de fermer des sites, de supprimer des services essentiels et de procéder à des licenciements. C’est l’ensemble de l’écosystème des soins primaires qui se verra considérablement affaibli. »
Il a rappelé qu’au Massachusetts, plus de 386 000 patients fréquentant les centres de santé communautaires bénéficient de la couverture MassHealth, et que près de 60 % d’entre eux sont des personnes issues de communautés historiquement marginalisées – personnes racisées, LGBTQ+, en situation de handicap ou vivant sous le seuil de pauvreté. « Ce sont ces populations, déjà fragilisées, qui supporteront de manière disproportionnée le poids de ces mesures. »
Des témoignages humains face à une crise politique
La conférence de presse a également été marquée par le témoignage d’un patient en situation de handicap et bénéficiaire du programme MassHealth. « Si je suis contraint d’entrer en maison de retraite, je mourrai. Et l’État dépensera bien davantage que pour les soins à domicile que je reçois actuellement. Il ne s’agit pas uniquement d’une question budgétaire, mais bel et bien d’une question de survie », a-t-il déclaré, soulignant les conséquences humaines des coupes annoncées.
De son côté, Jill Batty, directrice financière du Cambridge Health Alliance, a mis en garde contre les répercussions graves pour les établissements hospitaliers publics. « Plus de la moitié de nos patients sont couverts par Medicaid. Si ces réductions budgétaires sont mises en œuvre, nous serons contraints d’annuler des dizaines de milliers de consultations, et des services essentiels tels que la santé mentale ou la pédiatrie pourraient être réduits, voire supprimés. »
Une mobilisationationale est nécessaire pour faire reculer les Républicains, estiment les Sénateurs Markey et Warren
Au-delà du cas du Massachusetts, plusieurs intervenants ont alerté sur les conséquences à l’échelle nationale, particulièrement dans les États les plus vulnérables économiquement, à l’instar du Mississippi, où près de 80 % du financement de Medicaid est assuré par le gouvernement fédéral. « Les hôpitaux ruraux, déjà en grande difficulté, seront contraints de fermer. Des familles entières basculeront dans la précarité. Il s’agit d’un véritable tsunami sanitaire et économique », a averti la sénatrice Elizabeth Warren. « Nous avons gagné en 2017 grâce à la mobilisation populaire. Nous pouvons gagner encore, » a ajouté Markey. « Mais pour cela, il faut que chaque citoyen comprenne ce qui est en train de se jouer. »
« Ce que propose Trump, ce n’est pas une réforme, c’est une trahison, » a conclu Healey. « Nous ne resterons pas les bras croisés. »