Boston- Par la rédaction d’InfoHaïti.net – 30 mai 2025 – La Cour suprême des États-Unis a autorisé vendredi 24 mai 2025 l’administration Trump à mettre un terme au programme de parole humanitaire mis en place sous la présidence de Joe Biden, exposant ainsi à une expulsion imminente près de 500 000 ressortissants de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du Venezuela.
Cette décision, rendue sous la forme d’un court avis non motivé, annule une injonction d’un juge fédéral de Boston qui avait, en avril, suspendu la révocation massive du programme CHNV (Cuba, Haïti, Nicaragua, Venezuela). À travers cette décision, la haute juridiction donne à l’administration Trump, qui avait saisi en urgence la Cour suprême pour faire tomber le blocage judiciaire.
Une décision aux lourdes conséquences humaines
Le programme de parole humanitaire, lancé par le président Biden en 2022, permettait à des personnes fuyant des situations de crise économique, politique ou sécuritaire de vivre et travailler légalement aux États-Unis pendant deux ans, à condition de bénéficier d’un parrainage par un résident américain. L’objectif affiché était d’encadrer les arrivées aux frontières sud du pays en créant des voies d’entrée légales et contrôlées.
Or, dès le premier jour de son second mandat en janvier dernier, le président Donald Trump a signé un décret ordonnant l’élimination de ces dispositifs. En mars, la nouvelle secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a officiellement annoncé la fin du programme CHNV, accordant un délai de 30 jours aux bénéficiaires pour quitter le territoire américain.
Dans une dissidence ferme de huit pages, la juge Ketanji Brown Jackson, rejointe par la juge Sonia Sotomayor, a dénoncé une décision « précipitée » qui « dévaste inutilement » des centaines de milliers de vies :
« La Cour accepte ici une logique erronée du gouvernement sans exiger la moindre preuve de préjudice irréparable, tout en sous-estimant les conséquences humaines catastrophiques de sa décision. »
Des recours juridiques encore possibles, mais l’urgence prévaut
Alors que les recours collectifs sont toujours pendants devant les tribunaux, les juges conservateurs ont validé l’exécution immédiate des expulsions, sans attendre l’issue finale des procédures. Les bénéficiaires concernés perdront leur autorisation de travail et seront exposés à des procédures de déportation accélérée (« expedited removal »), selon les services de l’immigration.
Le gouvernement justifie sa décision par la nature discrétionnaire des programmes de parole, comme l’avait rappelé l’ancien secrétaire à la Sécurité intérieure Alejandro Mayorkas en 2023 :
« Le DHS peut mettre fin à la parole à tout moment à sa seule discrétion. »
La Maison-Blanche, par la voix de Stephen Miller, directeur adjoint de cabinet, a salué la décision de la Cour suprême, qualifiant les bénéficiaires de « 500 000 envahisseurs » à expulser immédiatement. Une rhétorique qui alarme les associations de défense des droits des migrants.
Les populations concernées : cibles identifiées par l’administration Trump
Pour entrer dans le programme CHNV, les migrants devaient fournir des informations personnelles détaillées, notamment leur adresse, leur statut familial et leurs parrains. Ce niveau de traçabilité en fait des cibles « faciles » pour les autorités migratoires, selon plusieurs avocats spécialisés.
Si certains d’entre eux tenteront d’introduire une demande d’asile, leur situation reste fragile face à l’intention claire de l’administration Trump d’accroître rapidement le nombre d’expulsions. Ces nouvelles expulsions s’ajouteraient à celles des 350 000 Vénézuéliens ayant récemment perdu leur Statut de protection temporaire (TPS), également annulé par la Cour suprême.
Une décision à haut risque politique en Floride
La mise en œuvre immédiate de cette décision pourrait générer une forte réaction politique, notamment en Floride, où résident de nombreux Cubains, Vénézuéliens et Haïtiens ayant bénéficié du programme. Leurs parrains sont souvent des citoyens américains ou des résidents permanents légalement établis, qui voient aujourd’hui leurs proches menacés d’expulsion.
Des élus républicains modérés et démocrates ont déjà exprimé leur inquiétude face à cette approche, redoutant un effet boomerang électoral, en particulier dans les circonscriptions multiculturelles clés lors des prochaines élections de mi-mandat.
Un précédent juridique pour d’autres populations ?
Outre les 500 000 bénéficiaires du CHNV, cette décision pourrait avoir des répercussions sur d’autres groupes accueillis sous le même mécanisme de parole humanitaire, notamment les Ukrainiens, les Afghans, ou encore les mineurs d’Amérique centrale. Les avocats de l’immigration craignent que l’administration ne cherche à étendre l’annulation à l’ensemble des dispositifs similaires, avec l’aval implicite de la Cour suprême.
Par ailleurs, le gouvernement Trump remet en question le pouvoir des tribunaux fédéraux à intervenir dans la politique migratoire nationale, appelant la Cour suprême à freiner ce qu’il qualifie de « tendance déstabilisante » des juges de district à bloquer ses décisions.
Les ONG dénoncent un retour aux années sombres de l’immigration
Plusieurs organisations, dont le National Immigration Law Center et la Coalition pour les droits des immigrants de la Nouvelle-Angleterre, dénoncent une offensive brutale contre des populations vulnérables venues chercher refuge légalement aux États-Unis.
Elles rappellent que l’histoire des programmes de parole humanitaire remonte aux années 1960, notamment avec l’accueil de réfugiés cubains fuyant le régime castriste, et qu’ils ont souvent servi d’outil diplomatique et humanitaire.
« Cette décision jette dans l’incertitude des milliers de familles déjà intégrées, qui travaillent, paient des impôts et contribuent à la société américaine », a déclaré un porte-parole de l’organisation Human Rights First.
Crises régionales persistantes : Haïti, Cuba, Venezuela, Nicaragua
Cette décision intervient dans un contexte régional marqué par des crises chroniques. En Haïti, l’effondrement institutionnel, les violences des gangs et l’absence d’un gouvernement fonctionnel rendent toute expulsion potentiellement dangereuse, voire mortelle. À Cuba, la répression des opposants et la grave crise économique poussent encore des milliers de citoyens à fuir. Le Vénézuéla, sous le régime autoritaire de Nicolás Maduro, reste confronté à une crise humanitaire aiguë. Enfin, au Nicaragua, le gouvernement d’Ortega continue d’exercer un contrôle autoritaire et de réprimer l’opposition. Dans ces conditions, renvoyer des migrants vers ces pays revient, selon les défenseurs des droits humains, à violer les principes fondamentaux du droit international.