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Trump ou le retour de l’Amérique à ses vieux démons: le racisme d’état anglo-saxon

Montréal le 16 janvier 2018
Par Gesler Jean-Gilles

Le poète-compositeur québécois, Gilles Vigneault, chante que son pays n’est pas un pays, c’est l’hiver; une façon de déplorer le rude climat qui forge la personnalité et définit le Canadien-Français. Pour le président des États-Unis, Haïti n’est pas un pays, c’est un shithole country. Les médias étrangers ont tenté d’édulcorer l’ignoble saillie présidentielle, mais la définition s’impose d’elle-même : trou à rat, trou de merde, trou à chiottes. Le mot français correspondant à notre parler est plutôt fosse d’aisance ou plus vulgairement, latrine.  Le président des États-Unis est un homme très riche que dessert un manque évident d’éducation et de culture, du genre de ceux que l’Amérique produit à profusion, beaucoup plus qu’ailleurs. Il est certes un homme de peu de mots qui exprime son propos par la violence physique ou verbale, mais que l’on sait tout au moins capable de reconnaitre que dans sa langue populaire le shithole est synonyme de backhouse, que nos amis canadiens-français prononcent bécosse, c’est-à-dire latrine.
Pour le dire crument, de l’avis de ce sinistre personnage, qui se trouve être le président d’un pays soi-disant ami, Haïti est une latrine et les Haïtiens, du plus pauvre au plus riche, vivent dans un espace où pas un être vivant ne pourrait rester longtemps; sauf quelques bactéries tentant de transformer la dégoutante matière en engrais naturel? N’étant pas vidangeur, nous ne rejoindrons pas le président des États-Unis dans la position scatologique dans laquelle il souhaite nous entrainer. Nous ne le dérangerons pas dans cet environnement dégoutant où il semble se sentir bien.

Nous n’opposerons pas non plus au racisme à rebours qui saisit une partie de l’opinion publique en Amérique du Nord comme en Europe, ainsi que certains de nos compatriotes seraient tentés de le faire, le parcours exceptionnel d’un groupe d’anciens esclaves qui s’est opposé à l’ordre esclavagiste et colonialiste barbare et qui s’est imposé à la table où se prennent les grandes décisions sur le plan international. Nous sommes avant tout une grande nation et ce n’est point nécessaire de le brandir à tout bout de champs et pas certainement dans la situation actuelle. Tout le monde le sait que trop bien. C’est ce qui nous a valu près de 50 années de mise en quarantaine au lendemain de notre indépendance.

Si le président atypique des États-Unis, la superpuissance qui se dit ami d’Haïti ose affirmer qu’Haïti est une merde monumentale, c’est que des gens qui sont grassement payés (trop bien payés même) pour diriger les destinées de ce pays, ont piteusement échoué en raison de leur impréparation, leur conception tribale de l’État, leur mépris de la constitution, leur non- respect des lois et des institutions, l’absence de fair-play, leur soif d’enrichissement rapide, leur haine des intellectuels et de tous ceux qui ne gobent pas leur populisme et leur démagogie et cette tendance morbide à déchouquer, à détruire le peu qui nous reste.

Cela dit, le président des États-Unis considère les Haïtiens pires que les rats. C’est le propre des gens de haine, les Nazis au premier chef, de nier à l’autre son humanité, d’animaliser ceux qu’ils détestent, de les présenter sous des traits des plus désavantageux. Ronald Trump est le prototype de ces braves gens auxquels les polygénistes, inventeurs de la race et du racisme européen, au XVIIIe siècle (voir L’invention de la race, sous la direction de Nicolas Bancel, Thomas David et Dominic Thomas, éditions La Découverte, Paris, 2014),  ont pu faire croire qu’il n’y a pas une espèce humaine, mais plusieurs races au sommet desquelles trônent naturellement les Scandinaves et les Germains dont descendent les Anglo-Saxons, qui seraient nantis d’une supériorité physique, morale et intellectuelle, les autorisant à diriger le monde.

Le président des États-Unis et surtout ceux qui l’ont porté au pouvoir, sont issus pour la plupart des groupes extrémistes haineux et violents, enclins au néonazisme, parmi les plus pauvres, ceux qu’on appelle les petits blancs, formant la lie de la société américaine (ou blancs manants à Saint-Domingue); ces laissés-pour-compte de la culture et de la globalisation, impliquant la délocalisation des entreprises de production de masse, sont dressés pour haïr et détester ceux qui ne mangent pas comme eux, qui ne dansent pas sur la même musique qu’eux, qui n’apprécient pas de la même façon une œuvre d’art…  Bref tous ces ratés qui expriment le plus souvent leur haine de l’autre par la violence et les propos les plus abjects.

En proclamant publiquement sa préférence pour une immigration en provenance de la Norvège, le président des Etats-Unis souhaite revenir au bon vieux temps de la suprématie anglo-saxonne en Amérique. Le gouvernement des États-Unis, dès la fin de la guerre de Sécession, en 1865, jusqu’à la fin de la deuxième Guerre mondiale, avait favorisé effectivement une politique d’immigration racialiste, ouvertement raciste, où seuls les immigrés en provenance des pays de l’Europe du Nord et des iles britanniques, étaient acceptés; ces contrées peuplées d’hommes parmi les plus blancs de la planète, au teint laiteux, les cheveux blonds et les yeux bleus.

En 1921, la loi Immigration Act a été promulguée pour limiter l’arrivée des Européens du sud et les groupes dits de couleur, dans le but de blanchir davantage la population américaine et effacer progressivement toute trace du métissage, bien que l’Amérique s’en défende, entre les anciens colons anglais, les anciens esclaves et les amérindiens. Les Irlandais, les Franco-canadiens, les Amérindiens, les Afro-américains, les Latinos, les Italiens, ont vécu dans leur chair ces discriminations jusqu’aux années 1950.

C’est un racisme d’État qui visait à préserver la race anglo-saxonne, contre l’arrivée des barbares, incapables de se fondre dans la civilisation américaine autodésignée blanche, anglo-saxonne et protestante. Charles E Woodruff, du Corps médical des armées des États-Unis, déclare au début du XXe siècle que : si l’Amérique doit être à la pointe de la civilisation, il faut qu’elle soit constamment nourrie en apport de sang provenant d’Europe du Nord, pour remplacer le stock nordique dégénéré par l’immigration venant des pays de l’Europe centrale et méditerranéenne…, et  brandit le spectre de l’abatardissement de la population américaine par le flot d’immigrants non anglo-saxons (L’invention de la race, p. 286).

Si l’Américain blanc d’origine non anglo-saxonne est accepté ou toléré comme l’égal de l’Anglo-Saxon, il n’en est pas de même des Afro-américains et les communautés hispaniques qui sont la cible continuelle des groupes de haine et de violence. Ces groupes de choc composés du Ku Klux Klan, des milices d’extrême droite, des Néo Nazis et autres, que viennent grossir quelques éléments des ex-racisés blancs non anglo-saxons, prennent peur de l’éventualité d’une Amérique non blanche et sont prêts à toutes les formes de violence, tant verbale que physique, pour tenter de freiner l’angoissante dynamique socio-historique tendant à les rendre minoritaires dans la nouvelle société américaine. C’est la motivation principale qui a fédéré les petits blancs, pauvres ou riches, nostalgiques de l’ancien ordre sur le point de s’effondrer, autour de la candidature de Donald Trump, l’un des leurs, en vue de rendre à l’Amérique sa grandeur, sinon sa blancheur.

Gesler Jean-Gilles

Gesler Jean-Gilles, journaliste-écrivain est né à Jean-Rabel. Après ses études en communication à la faculté des sciences humaines, il  fait ses premières armes à Télé-Haïti, en 1990, ou il devient l’assistant-rédacteur en chef. Installé à Montréal en 1992, il a collaboré à Haïti en marche à titre de correspondant, durant une dizaine d’années. Chroniqueur occasionnel au même hebdomadaire, ses textes sont une dénonciation des dérives autoritaires et l’inaptitude de ceux qui dirigent le pays. Il publie  en 2004 son premier livre sur Jean-Rabel, sa commune natale. Son prochain livre: C’était hier la gloire d’Haïti, 1804-1956, plus de 150 ans de prestige et d’influence, sort prochainement; un rappel de ce que la république d’Haïti a accompli malgré les embûches sciemment placées sur son parcours.

NDLR.Les idées et les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la Direction et du Staff de InfoHaiti.net

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