Saturday, May 4, 2024
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Rentrée parlementaire: discours du président de l’assemblée nationale Simon Dieuseul DESRAS

Simon Dieuseul DESRASDistingués Invités,

Mesdames, Messieurs,

Dans Ia vie des institutions democratiques, il survient periodiquement des moments consacrés à l’inventaire, au bilan et à !’évaluation. C’est le lieu souvent partagé entre Ia satisfaction du travail accompli, les rendez-vous manqués et les échéances ignorées.                                                        .

Le deuxième lundi de janvier appartient à Ia catégorie de ces moments intenses pour un nécessaire exercice de confession publique qui favorise le remembrement de nos institutions.

Mes chers Collègues, Mesdames, Messieurs,

C’est avec un plaisir particulier qu’en ce 14  janvier de l’année   2013,  je porte  Ia parole  par  devant  cette auguste  assemblée pour célébrer l’ouverture  de  l’année  législative nouvelle, advenue  dans  sa splendeur intacte en dépit des souvenirs macabres du séisme du 12  janvier 2010. Nous ne  dirons  jamais  assez nos  sympathies et  notre  réconfort  aux orphelins, aux  mutilés, à toutes les catégories de victimes de ce fléau naturel pendant que nous avons une pensée bien spéciale pour tous ceux qui ne sont plus avec nous.

Je voudrais, à cette tribune, plaider une fois de plus Ia cause de Ia reconstruction du pays et de Ia refondation de I’Etat susceptible de réparer les préjudices matériels et moraux subis par nos populations martyrs.

Je ne peux m’empêcher avant le prononcé du discours, de remonter les marches du temps jusqu’à l’aube du 19è siecle, pour puiser chez les mânes apaisés de ces 24 pionniers qui, dans une residence de Ia rue du Centre, fonderent le  27  décembre 1806  le parlementarisme haitien, comme un organe de Ia révolution humaniste que nos Pères venaient de concrétiser. C’est avec un orgueil légitime que je vous invite à célébrer avec moi, par une pensée fervente, le 206 ème  anniversaire du Parlement Ha’itien, l’un des premiers de L’Amérique. Durant ces 206 ans, notre parlement a vécu une existence tourmentée,  avec ses césures, opportuniste  en 1843  et dramatique en 1916, comme avec ses splendeurs et ses heures de gloire,

illuminées  par  des  figures  emblématiques  tels  Alexandre  Pétion, César Telemaque, Antoine  Pierre-Paul, Lysius Salomon, Jean Price-Mars, Emile Saint-Lot, Charles Fombrun, Louis Déjoie, François David, et plus près de nous Edgard Leblanc Fils et Myrlande Manigat.

Après ce bref pélérinage,   nous revenons au deuxième lundi de janvier qui ouvre l’année législative nouvelle,  et permet au Pouvoir Executif, dans ses deux  composantes,  d’exposer  l’état  de  Ia  Nation  et  déposer  sur  nos bureaux de contrô le bilan de l’année qui s’achève.

Cette échéance ramène pour nous aussi  l’heure de !’évaluation.   Au terme d’une  démarche  marquée  au  coin  de  Ia  probité,  nous  avons courageusement dressé le bilan de l’année législative 2012. Nous espérons que  sera  appreciée  l’innovation  de    le  présenter  sous  Ia  forme  d’un fascicule distribué  aux parlementaires,  à Ia Presse et au public. II est ainsi largement diffusé et mis à Ia disposition des chercheurs et des historienspour leurs analyses, leurs commentaires ou leurs critiques.

En voici un résumé substantiel pour chacune des deux Chambres. D’abord les travaux du Sénat :

Séances Plénières                                                     27

Assemblées Nationales                                             5

Rapports de Commission                                        26

Résolutions prises                                                    16

Propositions de Loi deposées                                14

Projets de Loi déposés                                              2

Lois votées                                                                  17

Choix ratifiés                                                              16

Instruments  internationaux  ratifiés                       3

 

BILAN SOMMAIRE DES ACTIVITES POUR LA CHAMBRE DES DEPUTES

 

Nombre de séances plénières                                28

Lois votées                                                                    8

Le cabinet ministériel au parlement ce 14 janvier 2013D’aucuns trouveront  ce bilan législatif peu copieux, Pourtant, le Parlement s’était  bien armé, notamment  le Sénat, pour  ce combat  herculéen de Ia renaissance haïtienne et s’apprêtait  à fournir  tous les instruments  légaux utiles à l’avènement du changement et à Ia promotion du bien-être collectif annoncé.

Le Pouvoir Exécutif a proposé une réforme de I’Etat d’ou émergeraient  un Conseil supérieur  du  Pouvoir judiciaire, Un Conseil constitutionnel  et  un Conseil électoral indépendant…  Cependant nous en sommes encore à une phase d’échanges et d’essai aux résultats peu concluants…

Le Parlement espérait  qu’à  côté  de  Ia fourniture  des  infrastructures  et services de  base, Ia  sécurité  méthodiquement  aménagée  et  finalement installée attirerait  et  rassurerait  l’investissement national et étranger, qui viendrait étrangler  l’hydre du chômage, élargir Ia superficie du marché de l’emploi, générer  Ia richesse et  soutenir  un taux  de croissance qui nous fasse remonter      dans  le  tableau  mondial  du  développement  humain  et descendre  des  sommets  deshonorants  de  Ia corruption  et  de  Ia  faillite d’Etat.

Le Corps Législatif, dans toutes ses composantes et sphères idéologiques, ne demanda.it qu’à participer  à cette patriotique  entreprise de relèvement national, en offrant  les leviers juridiques  et légaux à une telle opération. Mais des crises successives, au niveau interne  ont    creusé des ornières profondes sur le chemin des résultats tant  attendus. Le peuple avait trop espéré pour n’être pas déçu.

Même si Ia misère fait perdre Iaconscience républicaine, il reste indubitable que le respect  des  écheances électorales  en  est une caractéristique  irremplaçable, dont  l’ignorance  suscite des soupçons justifies sur Ia sincérité des discours grandiloquents. IIest clair que même pétri de toutes les intentions du bien et doté du gout du miracle, l’homme d’Etat a un maitre sans entrailles qui s’appelle Ia nature des choses. Mais il demeure tout  aussi  évident  que  les  lenteurs  involontaires  ou  programmée operationnaliser un Conseil Electoral posent une lourde hypothèque sur Ia tenue prochaine et obligatoire des élections sénatoriales et locales; elles annoncent un dépeuplement dramatique du Grand Corps qui pourrait emporter un dysfonctionnement du Parlement tout entier, avec toutes les conséquences que  cela implique, avec toutes  les manoeuvres que cela pourrait inspirer à des têtes impregnées de césarisme.  La signature de I’Accord du 24 décembre suffit-elle à nous ôter des doutes terrifiants qui assaillent notre esprit de démocrate et de républicain ?

En tout cas, il serait dommage pour les protagonistes de l’heure de laisser passer cette occasion de donner au peuple et au monde Ia preuve irréfutable de leur conviction libérale, en faisant trainer au-dela du supportable le suivi de ces négociations si laborieuses.

Je  continue  de  souhaiter que  les  Parlementaires gardent  le  cap  du discernement et de Ia sagesse dans l’accomplissement rigide de leur triple mission de  législation, de  contrôle  et  de  representation populaire.  La politique de Ia chaise vide est à bannir, le parlement étant, par excellence, un  espace de  discussions et  de  débats,  les  désaccords doivent  etre exprimés et ils exigent Ia présence physique de l’élu qui porte Ia défense des intérêts de ses mandants.

En toutes circonstances, le parlementaire doit  se laisser orienter par Ia boussole de l’interet  général et  du  bien commun, hors des dérives de toutes sujetions personnelles, de toutes obédiences pseudo-idéologiques, de toutes excommunications politiques.

Parlant d’excommunication, il me vient à Ia mémoire certaines rumeurs qui circulent dans les coulisses du pouvoir et relatives à une possible rescission du Concordat  signé en 1864 entre I’Etat du Vatican et le président haïtien

Fabre Nicolas Geffrard. C’est Ia une tentation morbide qui revient à chaque anniversaire de mi-siècle.   La dernière remonte à l’année 1964 dans le vacarme  des démêlés de  Ia       dictator avec      le Vatican qui assistait impuissant au bannissement de ses évêques, à l’expulsion en masse “des congrégations religieuses, telles les Jésuites de Ia Villa Manrese, les ‘0blats itinérants et  les Spiritains du Petit-Séminaire. Mais considérant que les croyances  populairesmélangeaient catholicisme  et vodou                 dans     un syncrétisme fervent et indissociable, le pouvoir d’alors avait compris que ce serait une faute politique impardonnable de consommer le divorce d’avec Rome;  il  avait préféré négocier Ia creation du  Clergé Indigène. Aujourd’hui, Ia même tentation ressurgit de mettre en cause une oeuvre et une collaboration si utile a !leducation spirituelle et morale de Ia Nation.

Le Parlement, par ma voix, exprime son attachement au Concordat, non point en tant qu’appareil de préponderance et de domination d’une religion sur  les autres, taus  les cultes ici étant  libres  et  égaux, mais en  tant qu’instrument diplomatique entre deux Etats indépendants, souverains et égaux.         II met  en  garde  contre  toute  vélléité  ou  action  rescisoire à l’encontre d’un pacte d’alliance consacré par I’Histoire et l’idiosyncrasie du peuple haïtien.

Mesdames, Messieurs, Peuple Ha’ïtien,

Le Parlement est également préoccupé par Ia montee impressionnante de l’insécurité qui étend son voile sombre et triste  sur Ia société ha’ïtienne. Certes, nous convenons que Ia Police Nationale déploie, à Ia contrer, une bonne foi et une disponibilité tout a fait dignes d’éloges. Mais elle reste limitée dans ses effectifs,  ses moyens, ses équipements et         son encadrement. Une telle situation pose en termes d’urgence l’impératif du renforcement de Ia Police Nationale et  même Ia création promise d’une force de défense, capable de     suppléer aux carences   de Ia     Police, notamment dans Ia surveillance de nos frontières poreuses, Ia lutte contre Ia contrebande florissante et  le trafic  opulent  des stupéfiants, dans Ia

vigilance environnementale pour circonscrire le désastre écologique qui détruit insidieusement notre pays.

L’insécurité est le poison de Ia croissance et Ia faucheuse de tout effort de développement.   L’investisseur étranger, comme le national, investit son capital en appelant de tous ses voeux le règne de Ia sécurité sociale, de Ia stabilité   politique   et   de   Ia  fiducie  économique  et   financière.   Le Gouvernement  doit   s’évertuer  à   créer   les  conditions  optimales  dudéveloppement    socio-économique   particulièrement   en   consacrant  Ia primauté du droit par Ia distribution d’une justice fiable et impartiale.

Le Parlement se dédie entièrement à Ia garantie juridique  des investissements et au respect des engagements internationaux de I’Etat. Cependant il questionne aujourd’hui l’efficacité des forces onusiennes de stabilisation d’Ha”fti  et  dans une perspective de prise en charge par les haïtiens de Ia sécurité nationale, il encourage le renforcement de Ia Police nationale et Ia mise en route d’une force publique chargée de réaliser une mission régalienne de défense du territoire, de contrôle des frontières et d’intervention  dans le  domaine de  l’environnement et  de Ia protection civile.

Peuple Haïtien,

Sur un autre registre, nous sommes tres préoccupés par Ia correspondance qui a demandé au Parlement de   réduire au strict minimum de l’absolue nécessité les depenses de l’Institution. Une telle démarche renseigne sur l’état lamentable de nos finances publiques.

II est des signes qui ne trompent pas.  La morosité des fêtes de Noël et du Nouvel An consomme Ia  rupture  d’avec une  longue  tradition  de  joies communicatives, de décorations multicolores, de guirlandes de lumières ; elle consomme une rupture d’avec une coutume têtue de chants joyeux, de trottoirs encombrés de jouets et de gambades pétaradantes d’enfants exhibant les cadeaux du Père Noël.  Cette mélancolie inhabituelle prend Ia couleur triste et le ton mineur de l’affliction et du désespoir national ; elle dévoile surtout  un  indice  qui  ne trompe  personne sur  Ia détérioration  matérielle, psychologique et morale des conditions de vie de nos populations ainsi que sur cette forme d’aveu de démission des instances gouvernementales à se colleter aux réalités sordides de Ia conjoncture en vue d’en pallier les corollaires et les contrecoups.

Conscient de Ia dimension et de l’enjeu de cette rentrée parlementaire et politique, je ne peux que souhaiter que l’année 2013 redonne à notre pays son visage de soleil et d’espérance, et qu’au bout de l’an notre peuple restitue  sa joie  instinctive à Ia  féerie  de  ces  festivités  qui,  dans Ia parenthèse d’une pause distrayante sur Ia peine du temps, font oublier les affres de Ia lutte  quotidienne et revivifient les âmes défaillantes pour Ia conquête de lendemains meilleurs. Heureusement que ce moment  de chagrin paradoxa! s’est trouve illuminé par Ia signature de ce pacte tant attendu et  qui augure de Ia tenue prochaine des joutes électorales, si d’autres crises impromptues ou commanditées ne viennent en retarder le déroulement, si des batons sculptés par l’inconscience cocardière des uns ou le calcul politicien des autres ne viennent bloquer les roues de l’histoire haïtienne qui semble ne plus savoir déjouer les projets alambiques des adeptes impénitents du statu quo ante, roulant sournoisement dans leur tête des rêves de César.

Chers Collègues, Peuple haïtien,

Le Parlement a mêne une vie bien difficile dans le tumulte et Ia tourmente de l’année passee. Si le bilan ne pèse pas lourd à balance de plus d’un, ce qui  n’est  pas  notre  avis,  qu’on  se  console  à  Ia  pensée    qu’aucune expérience de l’humain n’est inutile ni absolument nocive et délétère. Chaque pièce tient sa place et son poids dans le déroulement de Ia chronique et dans le cheminement de l’histoire des sociétés. C’est toujours le ressac de Ia vague qui s’en va, si faible soit-elle, qui donne   à Ia vague qui s’en vient Ia beauté de sa courbe et emplit sa corbeille d’une flopée de gerbes pétillantes et rafraichissantes. 2012 s’en va,emportant son cortège d’insatisfactions, de crises irrésolues, et meme ses transes dernières d’un hypothétique  21 décembre  de fin du monde. Elle ouvre Ia voie à l’année 2013, gonflée d’espérances neuves et légitimes, porteuse de toutes les dispositions de Ia performance et du succès.

A l’instar de Napoléon qui disait <<  bâtir le plan de ses batailles avec le rêve de ses soldats endormis   », je souhaite que les Parlementaires haïtiens continuent de buriner  une silhouette de dignité et de fierté dans le roc de leurs convictions, et  de  tisser Ia toile  bariolée  de  leurs  exploits  dans le pluralisme de leurs contradictions  et Ia vive chaleur de leurs altercations qui animent et parfois agitent le débat de nos séances, au Sénat comme à Ia Chambre des Députés.

Je ne terminerai pas sans faire un point sur Ia coopération d’appui au Parlement et sans adresser de chaleureuses félicitations à  Ia presse. Puisse ce quatrième pouvoir  continuer   à monter au créneau des drapeaux forts dans sa mission d’informer, d’éduquer et de former !

Le  législatif  se  fait   le  devoir   de  rendre  compte   de  l’évolution  d’un programme  de support  au Parlement financé par I’USAID et  executé par Development Alternatives INC. L’operateur a cheminé avec le Parlement durant  l’exercice  2011-2012  et  participé  à Ia réalisation  de  sessions de formation   en   gestion   budgétaire, en  logistique,  en  technologie   de l’information et de Ia communication.    Nous adressons à ce Partenaire nos félicitations pour les premiers  efforts de mise en place   de l’infrastructure technologique et numérique du Parlement et lui souhaitons de renforcer sa collaboration   avec   le Parlement,  d’en   améliorer   Ia  qualité   aux   fins d’atteindre les objectifs visés.   Que cette coopération soit concrète, structurante, alternative  et  en adéquation avec les besoins essentiels de l’institution  législative.   Que les USA soient remerciés pour ce programme de support et que les autres bailleurs du Parlement le soient également.

Puisse notre  Haïti chérie jouir pleinement des lumières de ce nouveau soleil qui vient  de se lever  à l’horizon  de 2013 !  Puissent les dirigeants ha’étiens ne pas décevoir  les attentes de ce peuple martyr  ; puissent-ils  amorcer  un virage  décisif  vers  les  aspirations  les  plus  légitimes   de  Ia  Nation  et  Ia conduire  d’un  pas assuré  vers les contrées  de Ia solidarité  et du bien-être collectif !

Tels  sont  les voeux  fervents qu’à  l’aube  de  I’An  nouveau  et  au  nom  du Parlement Haïtien, je formule à l’intention de chaque fils, de chaque fille de cette Nation assoiffée de paix et de progrès.

Que Dieu veille sur Haïti !

A vous tous, Bonne et Heureuse Année 2013.

MERCI.

Simon Dieuseul DESRAS, Président du Sénat et de  I’Assemblee nationale

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