Tuesday, April 23, 2024
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“L’économie haïtienne en 120 minutes” présentée par Kesner Pharel au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge

Haïti: Défis et Opportunités” c’est le titre de la conférence prononcée le dimanche 19 juin dernier au Massachusetts Institute of Technology (MIT) par  M. Kesner Pharel, PDG du Groupe CROISSANCE à l’invitation de MCTV-Boston.“Pour comprendre la situation économique haïtienne, il faut  à la fois analyser le revenu fiscal (les moyens dont dispose l’Etat) et les besoins sans cesse croissants d’une population de 10.8 millions d’habitants ” lance l’économiste en guise d’introduction de sa présentation.
En effet, la pression fiscale en Haïti n’est que de 13% c’est à dire pour chaque 100 gourdes nécessaires au financement des programmes de développement, l’Etat haïtien ne collecte que 13, soit le plus bas niveau de la Zone Caraïbes (environ 35% à l’Ile de la Dominique, 32% à Trinidad et 30% aux Iles St-Vincent et Grenadines). M. Pharel en a profité pour souligner le caractère inéquitable du système de taxation directe utilisé en Haïti. “ Les couches à bas revenue sont sujets au même système de taxation que les plus fortunés du pays.”

Le faible investissement dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la protection sociale a été l’une des premières conséquences du faible revenu fiscal analysé par le conférencier . Alors que le Costa Rica  et le Honduras  consacrent respectivement 22.5%  et 15% de leur  PIB (Produit Intérieur Brut)  au financement des secteurs sociaux, Haïti se retrouve, dans ce domaine,  au bas du classement dans la région avec seulement  5%. Ces chiffres comparatifs ont porté le PDG du Groupe CROISSANCE à attirer l’attention de l’assistance sur les engagement pris par les autorités haïtiennes en l’an 2000 aux Nations-Unies.
“Elles avaient pris l’engagement d’améliorer l’IDH (Indice de Dévelopement Humain) de la population.  16 ans après, nous sommes loin des objectifs fixés” a lancé Kesner Pharel qui souligne que si  l’espérance de vie en Haïti a connu une  amélioration (62 ans actuellement), les deux autres facteurs  (vivre une vie en bonne santé et acquérir  des connaissances) entrant dans le calcul de l’IDH sont encore à la traîne. Dans le classement de l’ONU, Haïti est en effete n 163ème position avec  un IDH de 0.483, le seul pays de la Zone Caraïbes à être classé dans la catégorie des pays à “Développement Humain Faible”.

Le monopole : un sérieux obstacle au développement de l’économie haïtienne

Tableaux et graphiques à l’appui, Kesner Pharel a fait une analyse comparative du niveau de la concurrence entre des entreprises locales dans neuf (9) pays de l’Amérique Latine et de la région Caraïbes dont le Nicarague, le Paraguay, la République dominicaine, le Honduras etc …
En effet, selon une étude du Forum économique mondial présentée par le conférencier, Haïti reste le pays où le monopole est la loi dominante du commerce dominé par l’importation.
A titre d’illustration, Kesner Pharel mentionne la situation de la téléphonie mobile en Haïti. Dans cet important de l’économie haïtienne, il existe en réalité une situation de duopole (deux vendeurs de services ou de produits se partagent un marché). “L’Etat haïtien devrait s’opposer à l’acquisition en Mars 2012 de la COMCEL (sa principale concurrente) par la DIGICEL” s’est lamenté le PDG du Groupe Croissance qui a étalé les conséquences pour le consommateur et les risques commerciaux liés à une faible ou absence de concurrence sur le marché: prix élevés des produits et services, discrimination contre les firmes étrangères, copinage, difficultés d’attirer des investissements, pratiques déloyales de compétition, etc …

“L’absence de compétition pour les produits de première nécessisté est tout à fait alarmante compte tenu de son impact sur les petites bourses” devait conclure le conférencier analysant la liste des 19 produits les plus consommés en Haïti.

Les transferts de la diaspora extrêmement importants mais ….
Les 2 milliards de dollars US reçus chaque année de sa diaspora contribuent énormément à stabiliser la monnaie nationale et à réduire le déficit de la balance commerciale d’Haiti. Ce montant est nettement supérieur aux investissements directs étrangers, l’aide publique au développement et dépassent les exportations haïtiennes estimées à moins d’un milliard de dollars. Et dire que tous les transferts des émigrés haïtiens ne sont pas comptabilisés compte tenu de l’existence de circuits parallèles pour envoyeer des fonds au pays natal. “Notre pays importe pour 3 milliards environ, nos exportations sont entre 700 et 900 millions.ce déficit est donc comblé par les 2 milliards de la diaspora haïtienne, un chiffre constant au cours de ses 20 dernières années” a précisé l’économiste.

Au-delà de l’importance de la principale source de devises pour Haïti, au-delà aussi de sa contribution dans la reduction de la pauvreté extreme, Kesner Pharel a tenu à rappeler que ces 2 milliards vont directement à la consommation et ne sauraient donc contribuer au développement du pays dans la mesure où “nous importons tout”. “L’argent de la diaspora ne fait que transiter en Haïti pour aboutir dans les pays qui nous vendent les produits de première nécessité: la République dominicaine, les Etats-Unis ….Comment alors garder en Haïti les dollars envoyés par la diaspora ? “ se demande Kesner Pharel qui plaide en faveur de stratégie utilisée dans de nombreux pays : investissement direct de la diaspora dans le financement de grands projets d’infrastructures, dans les services à travers le PPP (Partenariat Public-Privé).

La région la plus touchée est  le Nord-Est où 44% de la population connaissent les affres de la pauvreté suivie du Nord-Ouest (43%), le Nord (37%), la Grande-Anse (36%), le Centre (34%), les Nippes (30%), le Sud (26%), le Sud-Est (25%), l’Artibonite (23%) et l’Ouest (10%).
Il faudrait ajouter à cette liste les 6 millions d’haïtiens vivant dans une situation de pauvreté. Donc, sur une population de 10.8 millions, 8.4 millions vivent dans des conditions socio-économique extrêmement difficiles avec peu d’accès aux services de base de santé, d’assainissement, de logements etc …

Dans ce pays de constraste, les riches deviennent plus riches. C’est le cas partout dans le monde, rappelled Kesner Pharel faisant référence à l’ouvrage à succès de l’économiste français Thomas Piketty  qui danns “Le Capital au XXIe siècle” a relancé le débat sur les excès du système capitaliste qui crée des inégalités sociales tout à fait criantes.
“En Haïti, l’écart entre les riches et les démunis est plus considérable” se plaint Kesner Pharel qui avance les chiffres suivants: 20% des plus riches possèdent et controllent 70% des richesses du pays alors que 40% vivent avec très peu.  Haïti figure, de ce fait, parmi les 20 pays les plus inégalitaires au monde.. Nous occupons d’ailleurs le peloton de tête avec des pays comme les Iles Seychelles, les Comores, La Namibie, l’Afrique du Sud. Nous sommes le pays le plus inégalitaire dans les Caraïbes.

“La concentration de richesses n’aide pas au développement d’un pays car elle constitue une entrave à l’investissement et crée des tensions sociales”.

Analyse de l’économie haïtienne entre 1971 et 2013:

Explosion démographique, désastres naturels et politiques, problèmes d’aménagement du territoire avec la “rurbanisation” de nos grandes métropoles (Port-au-Prince tout particulièrement) sont-ils les principales sources de la pauvreté en Haïti ?
Dans la deuxième partie de sa conférence, Kesner Pharel a présenté, graphiques et tableaux en illustration, la corrélation entre les différents facteurs précités et les performances de l’économie haïtiennne de 1971 à 2013.

Premier constat de l’économiste: sur cette période, 1971 a été l’année la plus performante. “Les chiffres sont ce qu’ils sont” lance Kesner Pharel qui ne voulait pas clairement se lancer dans un débat politique car Haïti était en pleine dictature. En 1980, l’économie a connu une plongée significative (-3%) à cause des troubles politiques qui ont précédé la fin du régime des Duvalier. Relative stabilité en 1987, croissance remarquée en 1988 (5% ) , chute extraordinaire (- 13%) entre 1991 et 1993 (instabilité politique engendrée par le coup d’Etat contre l’ex-président JB Aristide et l’embargo commercial des Nations-Unies contre le régime de Cédras, relance pour atteindre le niveau de 1988 (5%), rechute entre 2001 et 2004 (-3%) au cours de la période GNB contre Lavalas. Reprise en 1995 (3% au retour à l’ordre constitutionnel) et entre 2005 et 2007 pendant la transition et les premières années de Préval II (2-3%).
Enfin, le PDG du Groupe Croissance a fait remarquer que le coup d’Etat de Cédras et l’embargo de 1991-1994 ont été beaucoup plus catastrophiques pour l’économie haïtienne que le tremblement de terre du 12 Janvier 2010 (-13% contre -5.5% respectivement).

“Cette année, la croissance économique n’atteindra même pas 2% à cause de cette longue traversée du desert que connait le pays depuis l’organisation des élections en Août de l’année dernière” se plaint Kesner Pharel qui rappelle que nos voisins dominicains connaissent les résulats de leurs consultations électorales en mons de 48 heures.

L’accroissement démographique de la population haïtienne est également un sujet de préoccupation pour l’économiste Kesner Pharel. Nous sommes passés, en effet, de 5 millions à près de 11 millions l’année dernière alors que notre Produit Intérieur Brut (production totale de richesses) n’a pas accru proportionnellement pour la même période.
Conséquemment, environ 200,000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail alors que notre économie n’est pas à même de créer 10,000 emplois. En moyenne, nous ajoutons plus de 150,000 chômeurs additionnels sur le marché des tensions sociales.

“Contrairement à ce que dissent nos hommes politiques, 52% de la population habitant en milieu urbain contre 48 % dans les sections communales”  a tenu a préciser Kesner Pharel qui voit dans cette nouvelle distribution spatiale de la population haïtienne un facteur qui devrait à la fois préoccuper certes nos spécialistes en aménagement du territoire mais aussi et surtout tous ceux qui planifient le développement national, avance plus loin le conférencier qui souligne que la population urbaine est passé de 20% en 1971 à 57% en 2013.

Haïti n’est plus un pays essentiellement agricole

Analysant les structures de l’économie haïtienne, Kesner Pharel a fait remarquer le faible poids de l’agriculture (seulement 20% l’année dernière)  dans la formation du Produit Intérieur Brut pour des raisons diverses. “Nous devons repenser tout notre système de production pour rendre notre agriculture plus performante et plus compétitive. Le paysan avec une houe ou une machette ne peut plus être le principal acteur de l’activité agricole pour créer la richesse soutient  l’économiste.
Autres contraintes avancées par l’économiste pour expliquer la taille de l’économie haïtienne: le non respect de la loi, une bureaucratie gouvernementale inefficace, une main-d’oeuvre insuffisamment éduquée,  une capacité insuffisante à innover, la corruption, Offre inadéquate d’infrastructures, l’accès au financement, l’environnement des affaires (100 jours pour ouvrir une entreprise en Haïti alors qu’il en faut 1 mois en moyemne dans les autres pays de l’Amérique Latine), l’accès au crédit bancaire, la distribution géographique des dépenses publiques (83% dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince), le faible niveau de développement technologique (15% des haïtiens ont accès à l’internet contre 50% en république voisine) etc

Graphiques à l’appui, Kesner Pharel compare le niveau de notre PIB et la production de richesses dans trois pays de la Caraibes. En 2014, avec une population de 10.5 millions d’habitants, notre PIB n’était que de 10.7 milliards de dollars US contre 64.6 milliards US , 13.8 milliards US et 28.8 milliards respectivement pour la République Dominicaine (10.6 millions d’habitants), la Jamaïque (2.8 millions) et Trinidad & Tobago (1.4 millions). Le PIB par habitant de cette dernière île est 25 fois supérieur à celui d’Haïti.

Après la présentation de ces nombreux défis auxquels fait face Haïti, le PDG du Groupe CROISSANCE a fait tout un ensemble de propositions regroupées en “12 piliers” qui vont de la réforme des institutions de l’Etat à l’inovation technologique en passant par l’amélioration de l’enseignement supérieur/ la formation continue, le développement du marché financier etc …

 

 

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