Tuesday, April 23, 2024
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De l’Histoire immédiate

L’histoire immédiate c’est le récit de faits survenus récemment et dont les acteurs, les lecteurs comme l’écrivain sont des contemporains. L’histoire immédiate serait une fille naturelle de l’histoire qui est le « récit, compte rendu des faits, des événements passés concernant la vie de l’humanité, d’une société, d’une personne, etc. »

L’histoire immédiate c’est le récit de faits survenus récemment et dont les acteurs, les lecteurs comme l’écrivain sont des contemporains. L’histoire immédiate serait une fille naturelle de l’histoire qui est le « récit, compte rendu des faits, des événements passés concernant la vie de l’humanité, d’une société, d’une personne, etc. »

Tous comme les enfants naturels qui doivent être des portraits tout crachés de leurs concepteurs pour élucider tout doute, l’histoire immédiate est assujettie à la contrainte de justesse. Elle doit être exacte et ne peut souffrir d’aucune altération. L’Histoire immédiate, c’est le juste récit de faits et événements survenus au cours d’une période en cours et dont les protagonistes sont vivants. Parce que les faits rapportés ont été vécus en même temps par l’écrivain, le lecteur et les acteurs en question, l’histoire immédiate doit être comme une photographie qui restitue les personnages comme ils sont sous leurs traits bruts.

Contrairement à l’histoire qui rapporte des faits dont les acteurs ne sont plus forcément là pour produire leur propre version des événements, les personnages en cause dans le récit de l’histoire immédiate, peuvent, à tout moment, protester, démentir, poursuivre en diffamation. Et le lecteur exposé à la relation des faits récents est déterminant pour créditer l’écrivain et neutraliser tout acteur qui essaierait de déformer les actes, comportements et attitudes rapportés. L’histoire immédiate bénéficie du témoignage, d’une caution du lecteur qui a été un témoin privilégié.

L’avantage de l’histoire immédiate c’est cette situation exceptionnelle où la société entière avait vécu les mêmes événements mettant en cause les mêmes acteurs. L’histoire immédiate, à cause de cette contrainte de justesse et de vérité est le meilleur témoignage pour les générations à venir.

L’historien traitant de l’histoire immédiate, de ce point de vue, serait moins exposé au procès d’intention de partialité que l’on fait en général à l’historien classique traitant des faits lointains. Très souvent l’on accuse les historiens de parti pris. On leur reproche d’avoir édulcoré ou déformé les faits suivant le camp dans lequel ils se situaient. Ainsi, en Haïti par exemple, suivant que l’écrivain est noir ou mulâtre, on émet des doutes sur son impartialité. Thomas Madiou et Beaubrun Ardouin sont de bonnes illustrations de ces procès d’intention illustrant tous les clivages de notre société. La peinture de Dessalines par Madiou est mise en question par certains, du fait de l’origine de cet auteur, il en est de même d’Ardouin admiratif pour tel autre personnage, ou de Pauléus Sannon, pour Toussaint Louverture, pour les mêmes raisons. Suivant que le lecteur croit dénoter une quelconque sympathie de l’historien pour tel personnage et une apathie pour tel autre, il est accusé de faire partie d’un clan et l’on met en doute la qualité et le sérieux de son œuvre. Et si, de plus, l’auteur a joué un rôle quelconque sur la scène publique et que, par la suite, du fait d’avoir été à l’intérieur du système, il peut, avec autorité, témoigner du vécu des choses, son œuvre est mise en doute quant à sa partialité présumée.

Mais en Haïti, même l’historien rapportant des faits de l’histoire immédiate sait être mis en cause. Malgré que toute la société a vécu ensemble les faits illustrés dans les livres en question, certains acteurs malhonnêtes essaient sans succès, heureusement, de discréditer les auteurs.

L’histoire immédiate en Haïti, est le fait d’une grande évolution des mœurs. Il était inimaginable qu’un écrivain vivant en Haïti, sous la période de la dictature, que ce soit sous Duvalier, que ce soit avant, sous les régimes militaires autoritaires, ait pu se hasarder à écrire un livre traitant du vécu courant du pays, à cette époque. Son ouvrage, s’il arrivait à être imprimé en contournant la censure, n’aurait pas pu être distribué. L’auteur, se serait exposé, soit à la prison, soit à l’exil ou à la mort certaine.

La plupart des livres écrits pour dénoncer les exactions du régime de François et de Jean-Claude Duvalier, par exemple, ont été publiés à l’étranger par des écrivains exilés. D’autres ont été publiés bien après la chute du régime. Le résultat, nous le connaissons, la distance des faits survenus il y a de nombreuses années affecte la vérité et la fraîcheur des récits. Et, c’est désormais, au gré du souvenir ou de la mémoire, pour reprendre le titre d’une série très prisée, du Dr  Rony Gilot, que les faits nous arrivent. L’histoire classique est assujettie aux témoignages, à la petite histoire, à ce qui nous arrive de l’histoire orale, pour documenter des périodes qui n’ont pas été traitées dans l’immédiat. Ceci est dû à ce que les témoins des événements d’une époque quelconque n’ont pas systématiquement pris des notes avec le dessein avéré d’écrire un livre d’histoire. Ceux qui restituent l’histoire passée sont assez souvent d’anciens acteurs qui, malgré tout l’effort d’honnêteté pour restituer les faits dans toute leur pureté, sont souvent happés par le poids de suggestivité naturelle justifiée par un ensemble de facteurs relationnels et émotionnels. Les historiens, sont avant tout des femmes ou des hommes exposés aux faiblesses inhérentes à la nature humaine. Comment alors relater un fait dans toute sa justesse, quand il concerne un ami, un proche, un collègue, un membre du même parti ? La subjectivité, de ce point de vue, est un élément neutralisant. L’accusation de partialité, même si elle n’est pas toujours vérifiable, trouve son fondement, dans cette réalité de l’origine ou du parcours de l’historien du passé.

Contrairement à l’historien du passé, le poids de la sanction de la collectivité-témoin qui a vécu comme l’auteur les faits rapportés, exige à l’écrivain de l’histoire immédiate une impartialité imperméable à la subjectivité et aux pressions émotionnelles qui savent affecter l’œuvre de l’historien du passé. Et le fait que les acteurs mis en scène soient encore vivants, cet élément de taille exige une restitution sans faille de la véracité des faits. L’histoire immédiate, de notre point de vue est plus viable, parce que corroborée immédiatement par les contemporains et en même temps garante d’une transmission aux générations futures, d’événements précis, restitués sans altération. Mais cela varie d’une société à une autre, dépendamment du degré de civilisation. Quand les historiens ne peuvent pas être placés dans un camp ou dans un autre et que leur impartialité n’est pas questionnable, leurs œuvres bénéficient de tout le crédit à cause de la rigueur scientifique qui les imprègne.

Mais quelle est la durée de vie de l’histoire immédiate ? L’immédiateté n’est-t-elle pas éphémère ? Avec le temps, l’histoire prend des plis et, de ce fait, devra perdre son épithète immédiate. Ne tiendra-t-elle pas lieu, alors, d’histoire tout court ? A bien regarder, l’histoire qu’avec le recul, nous qualifions aujourd’hui d’histoire du passé, initialement, à sa publication par les témoins des faits, n’avait-elle pas cette étiquette, ce statut d’histoire immédiate ? Et si tel était le cas, serait-ce alors de l’exagération, de l’arriération ou de la provocation de dire, au risque de porter d’aucuns à monter sur leurs grands chevaux, qu’il n’y a d’histoire que l’histoire immédiate ?… Le débat est ouvert !

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