Massachusetts, 25 Mai 2025- Par JULIO MIDY – Ce billet aurait pu être adressé au centenaire, au père exceptionnel, au Fignoliste intégral. Mais j’ai choisi de l’écrire au philosophe.
À travers tes sacrifices silencieux, j’ai appris à lire et à comprendre Marx, Kant, Hegel, Spinoza, Locke. J’ai compris que j’avais eu le privilège de grandir sous les yeux d’un philosophe autodidacte, qui, sans jamais citer de livres, m’a enseigné chaque jour les fondements du grand ouvrage de la vie : la citoyenneté, la loyauté, l’honnêteté, le partage et l’humanisme. Ces valeurs furent tes chapitres essentiels.
Fauché par ce tyran impitoyable qu’est la mort, tu n’es pas là physiquement pour souffler ta centième bougie. Et pourtant, ton empreinte, ton héritage, défient le temps. Comment parler de toi au passé, alors que tes enfants biologiques et adoptifs perpétuent ta mémoire à travers leurs actes ?
Ta voix résonne encore, comme un écho ferme et tendre :
« Anvi manje vyann pa dwe fè nou manje chen. »
« Pa fè kont a moun pou lajan. »
« Lajan fini, wont rete. »
« Mieux vaut la mort que la souillure. »
Né le 25 mai 1925, tu es centenaire aujourd’hui. Et nous, tes enfants, te disons : bon anniversaire, Papa. Merci de nous avoir offert une mère exceptionnelle, Carmène Délismé. Merci pour ta fidélité, ton courage, et pour n’avoir jamais trahi l’espérance de celle qui répondait, inlassablement, aux questions de nos ventres vides :
« Ti moun, pwa a sou dife. Li pa gen ni marenn ni parenn. Papa nou, l’ap tann. »
Tu as été un symbole de dignité, esclave volontaire de tes promesses et de tes convictions. Ta résilience n’a jamais vacillé.
Comme Socrate, tu n’as laissé aucun écrit. Mais tu as fait école, préférant la philosophie orale, l’enseignement par l’exemple. À la manière d’un Kant rural, tu as marié raison et expérience pour nous faire comprendre les complexités de la vie, ses enjeux sociaux, économiques, politiques et humains.
Ton engagement au sein du MOP (Mouvement Ouvrier Paysan) t’a ouvert aux vérités du marxisme, à l’idée que la lutte des classes est le moteur de l’histoire.
Papa, chaque philosophe porte une lumière. La tienne éclaire le savoir partagé, la justice sociale, le pardon et l’espoir d’une société sans violence, tournée vers le bien commun.
Que ton œuvre se perpétue à travers tes filles et tes fils, biologiques et spirituels.
Repose en paix, Guerrier.
Julio Midy
Au nom de tes enfants !
