Boston (State House) – 17 Juillet 2025 – Par YVES CAJUSTE, InfoHaiti.net
Le deuxième déjeuner annuel « Caribbean of the Commonwealth », organisé ce mardi de 10 h à 13 h au Massachusetts State House par Caribbean in Boston, a rassemblé des responsables politiques, des représentants associatifs et des personnalités issues des communautés caribéennes du Massachusetts. À cette occasion, 25 leaders caribéens ont été officiellement reconnus pour leur engagement exemplaire dans des secteurs clés tels que l’éducation, la santé, la culture, l’entrepreneuriat et le service public.
Les récipiendaires ont été sélectionnés dans une diversité de domaines représentatifs de la vitalité caribéenne dans l’État : professions libérales, entrepreneuriat, action sociale et communautaire, culture et service public. Parmi eux figuraient deux personnalités d’origine haïtienne : Marlien Amédée, Présidente-Directrice Générale de Haitian Community Partners, une organisation à but non-lucratif et co-propriétaire de Signature Kitchen à Brockton, ainsi que Natacha Clergé, ancienne conseillère municipale à Randolph et propriétaire Full Color Events.

L’événement s’est déroulé dans une atmosphère festive, portée par des rythmes caribéens entraînants et des mets traditionnels servis à l’assistance.
L’oratrice principale de cette édition 2025 était l’ancienne sénatrice du Massachusetts, Linda Dorcena Forry.

Revenant au State House où elle a siégé pendant treize ans comme Députée puis comme Sénatrice, Linda Dorcena Forry a souligné l’importance des institutions démocratiques locales, appelant les communautés caribéennes à maintenir une participation active dans la vie politique du Commonwealth.
Elle a rappelé avoir siégé à la Chambre des représentants du Massachusetts de 2005 à 2013, puis au Sénat de 2013 à 2018, où elle représentait les quartiers de Dorchester, Mattapan, Hyde Park et South Boston. Parmi les réalisations qu’elle a évoquées figurent l’ouverture d’espaces publics le long de la Neponset River et la mise en service de nouvelles stations de la ligne Fairmount du MBTA, contribuant à une meilleure accessibilité et à de nouvelles opportunités économiques pour les résidents.
Depuis son départ du Sénat en 2018, Linda Dorcena Forry travaille dans le secteur privé où elle conseille des projets de développement urbain tout en promouvant l’inclusion des entreprises issues des minorités. Elle est également coéditrice du Dorchester Reporter, un journal communautaire local, qu’elle considère comme un outil d’information essentiel au renforcement du tissu social.
Elle a insisté sur le rôle que jouent les médias de proximité dans la diffusion d’informations pertinentes souvent négligées par les grands médias, notamment concernant les enjeux de santé, d’éducation, de logement et de participation électorale.
Références historiques et contexte politique actuel
Dans une partie plus politique de son intervention, Linda Dorcena Forry a exprimé des inquiétudes quant aux orientations actuelles du gouvernement fédéral, évoquant des décisions qu’elle juge préjudiciables pour les droits sociaux, l’accès aux soins et l’éducation.
Elle a comparé cette situation à celle des années 1850, période durant laquelle le Fugitive Slave Act imposait aux citoyens de collaborer avec les autorités pour la capture de personnes en fuite. Rappelant la résistance civile organisée par les habitants de Boston à l’époque, elle a souligné la nécessité actuelle de mobilisations similaires pour défendre les principes de dignité humaine et de justice.
Ce passage du discours de l’ancienne Sénatrice Linda Dorcéna Forry a résonné comme un appel à la mémoire, mais aussi à la responsabilité, à un moment où la société américaine est confrontée à des tensions sociales, juridiques et politiques majeures. En ancrant son propos dans une narration historique rigoureuse, elle a souligné que les périodes de crise ne sont pas exceptionnelles dans l’histoire du pays, mais qu’elles exigent toujours des citoyens et des institutions qu’ils prennent position.
Plus loin, elle a salué l’initiative récente de la gouverneure Maura Healey, qui a réuni au State House des dirigeants de la Nouvelle-Angleterre et de provinces canadiennes afin de renforcer les alliances régionales face à certains axes politiques fédéraux.
« Si nous voulons préserver nos droits économiques et sociaux, nous devons renforcer nos partenariats avec d’autres États partageant nos priorités », a-t-elle affirmé, en appelant également à soutenir les entreprises locales et les personnes vulnérables.
Linda Dorcena Forry a brièvement évoqué son parcours personnel, rappelant qu’elle est fille d’immigrants haïtiens, et qu’elle a pu accéder à l’enseignement supérieur grâce à des bourses d’études. Elle a encouragé les jeunes à saisir les opportunités existantes, tout en appelant à un climat de respect mutuel et de responsabilité civique.
« Dans le contexte actuel, il est essentiel de maintenir un dialogue respectueux et de traiter autrui avec considération », a-t-elle conclu.

La diversité saluée par l’exécutif du Commonwealth : interventions de la gouverneure Maura Healey et de la lieutenante-gouverneure Kim Driscoll
Intervenant après l’allocution de l’ancienne sénatrice Linda Dorcena Forry, la lte-gouverneure Kim Driscoll et la gouverneure Maura Healey ont mis en évidence l’apport substantiel des communautés caribéennes au développement social, économique et civique du Commonwealth du Massachusetts.
Mme Driscoll a évoqué ses liens personnels avec la région, déclarant : « J’ai le privilège d’être la fille d’une femme née à la Grenade et ayant grandi à Trinité-et-Tobago », avant de saluer la résilience, le dynamisme et l’esprit entrepreneurial qui caractérisent les diasporas caribéennes installées dans le Commonwealth.
Elle a affirmé que « le Massachusetts ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la contribution forte et active des communautés caribéennes », précisant que cette diversité culturelle constitue une boussole pour l’action publique conduite par l’administration Healey-Driscoll.
Pour sa part, la gouverneure Maura Healey a salué la mobilisation d’un grand nombre d’élus à l’occasion de l’événement, illustrant selon elle l’empreinte significative de la diaspora caribéenne dans les différentes circonscriptions du Massachusetts. Elle a réitéré l’engagement de son administration à promouvoir une société fondée sur l’inclusion, l’équité et la reconnaissance des divers parcours communautaires.
Joyce Stanton distinguée pour son engagement au service de l’État du Massachusetts
L’un des temps forts de la cérémonie a été la remise d’une distinction officielle à Joyce Stanton, assistante spéciale au sein du cabinet de la gouverneure et originaire de la Barbade. Saluée par les deux dirigeantes de l’exécutif, elle a été honorée pour son professionnalisme, son accueil chaleureux et son rôle central dans la relation entre les citoyens et les institutions publiques.
« Joyce est souvent la première personne que l’on rencontre en entrant dans les bureaux de l’administration. Sa bienveillance, son sourire et sa disponibilité sont constants, qu’il s’agisse de visiteurs, de responsables publics ou de simples citoyens », a souligné la gouverneure Healey.
Au-delà de ses fonctions administratives, Mme Stanton est activement impliquée dans sa communauté locale et dans son église, ce qui, selon Kim Driscoll, fait d’elle « une source d’inspiration en matière de sagesse, de foi et de force morale ».
Un extrait du deuxième déjeuner annuel du « Caribbean of the Commonwealth organisé ce mardi au Massachusetts State House :
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* THE “FUGITIVE SLAVE ACT”
Le Fugitive Slave Act (ou « Loi sur les esclaves fugitifs » en français) est une loi fédérale adoptée aux États-Unis en 1850, dans le cadre des Compromis de 1850, un ensemble de lois visant à apaiser les tensions entre les États esclavagistes du Sud et les États abolitionnistes du Nord.
En résumé, cette loi :
Obligeait les autorités des États libres (du Nord) à arrêter et renvoyer toute personne réduite en esclavage qui s’était enfuie des États du Sud.
Interdisait à quiconque — y compris les citoyens ordinaires — d’aider un esclave en fuite. Ceux qui le faisaient risquaient des amendes et des peines de prison.
Donnait plein pouvoir aux agents fédéraux pour capturer les fugitifs sans mandat et sans procès équitable. Les personnes accusées ne pouvaient même pas témoigner en leur propre défense.
Incitait financièrement les juges à décider en faveur des propriétaires d’esclaves : ils étaient mieux payés s’ils statuaient que la personne devait être renvoyée en esclavage.
Contexte et conséquences :
Cette loi a provoqué une indignation massive dans les États du Nord, notamment à Boston, où les réseaux abolitionnistes se sont organisés pour résister ouvertement à son application.
Elle a intensifié la division entre Nord et Sud et accéléré la marche vers la guerre de Sécession (1861-1865).
Elle est considérée comme l’un des symboles législatifs de l’oppression raciale et de l’échec du système judiciaire américain à protéger les droits humains à cette époque.
C’est à cette loi que Linda Dorcena Forry a fait référence dans son discours, en appelant à se souvenir de cette période où la loi ne garantissait pas la justice, et où la résistance civile fut essentielle pour faire progresser les droits humains