« Si nous ne sommes pas représentés dans les recherches cliniques, les traitements développés ne seront pas adaptés à nos besoins », FREDERICA M. WILLIAMS, PDG DE WSHC
BOSTON, Samedi 28 Juin 2025- PAR YVES CAJUSTE, InfoHaiti.net – Le samedi 28 juin 2025, le Whittier Street Health Center (WSHC), situé dans le quartier de Roxbury à Boston, a organisé la 25e édition de son Sommet annuel sur la santé des hommes (Men’s Health Summit). Cet événement, devenu au fil des années un rendez-vous pour de nombreux résidents, vise à analyser en profondeur les disparités en matière de santé qui affectent les hommes et les garçons, notamment au sein des populations racisées et économiquement vulnérables.
Pour lancer ce sommet, Frederica Williams, présidente-directrice générale du WSHC, a réaffirmé les objectifs fondamentaux de rencontre annuelle : « explorer des stratégies d’amélioration de la santé des hommes, mettre en lumière les déterminants sociaux influençant la santé, identifier les obstacles à une prise en charge adéquate, et comprendre les causes de la morbidité et de la mortalité prématurée. »
Une thématique centrale : déconstruire une « souffrance silencieuse »
Le thème retenu pour l’édition 2025, « Transformer la santé et le bien-être des hommes et des garçons : de la souffrance silencieuse à des avenirs plus prometteurs », met en exergue une problématique sociétale majeure : la culture du silence entourant les enjeux de santé physique, mentale et émotionnelle chez les hommes.
Mme Williams a souligné que les normes sociales associées à la masculinité découragent souvent l’expression des émotions, l’acceptation de la vulnérabilité et la recherche d’un soutien psychologique ou médical. Cette dynamique est particulièrement prévalente chez les hommes afro-américains, latinos et issus de milieux à faibles revenus, qui se heurtent à des inégalités structurelles restreignant leur accès à des services de santé de qualité, culturellement pertinents et financièrement accessibles.
Repenser les fondements : lutte contre la honte et transformation des systèmes
Pour opérer une transformation durable de la santé masculine, Mme Williams appelle à une démarche structurée visant à déconstruire les barrières individuelles et institutionnelles à l’accès aux soins. Elle insiste sur la nécessité d’une adhésion ferme aux principes de justice sociale, économique et raciale dans les politiques de santé publique.
Le WSHC a ainsi mis en place des programmes novateurs qui intègrent les réalités sociales vécues par ses patients : précarité économique, insécurité alimentaire, difficultés d’accès au logement, discriminations raciales, obstacles liés à l’éducation ou au statut migratoire. « Votre santé est votre richesse. Mais sans richesse, vous ne pouvez accéder à la santé », a-t-elle rappelé.
Une approche intégrée : prévention, éducation et engagement communautaire
En s’appuyant sur des données épidémiologiques préoccupantes — notamment des taux de mortalité plus élevés chez les hommes noirs en raison de maladies cardiovasculaires, de cancers, d’overdoses et de complications liées au diabète — le WSHC a développé une approche holistique. Celle-ci inclut des dépistages précoces, des prescriptions d’activités physiques, un accès accru à une alimentation saine, ainsi qu’un accompagnement psychologique.
Parmi les initiatives mises en œuvre figure le programme Prescription pour la santé, dans lequel les professionnels de santé peuvent orienter les patients vers la salle de sport, la cuisine pédagogique, ou des séances de nutrition, tous intégrés au centre de santé. Cette stratégie repose sur une donnée majeure en santé publique : 80 % des facteurs influençant la santé sont liés au mode de vie et aux comportements individuels, bien au-delà de l’accès ponctuel aux soins médicaux. « On passe peut-être une journée par an chez le médecin, mais 364 jours ailleurs », a souligné Mme Williams.
Priorité à la santé mentale : déstigmatiser pour mieux agir
La santé mentale a constitué un autre axe central du Sommet. Mme Williams a dénoncé la stigmatisation persistante qui entoure les troubles psychiques dans de nombreuses cultures. Elle a établi un parallèle révélateur : « On dit qu’une personne est folle, mais on ne dit jamais qu’elle est diabétique », illustrant ainsi le traitement différencié des pathologies mentales et physiques.
Alors même que les hommes présentent un risque accru de dépression, d’anxiété, de dépendances et de décès liés aux overdoses, ils sont également ceux qui recourent le moins à l’aide psychologique. Le WSHC s’efforce donc de créer des environnements inclusifs où les hommes et les garçons peuvent s’exprimer sans crainte de jugement, et bénéficier d’un accompagnement professionnel adapté.
Recherche communautaire et justice sanitaire
Le Sommet des Hommes 2025 a également permis de présenter le Center for Health Equity Research, récemment lancé au sein du WSHC. Ce centre de recherche communautaire entend pallier l’absence de représentation des minorités dans les études cliniques traditionnelles. « Si nous ne sommes pas représentés dans les recherches cliniques, les traitements développés ne seront pas adaptés à nos besoins », a déclaré Mme Williams.
Les priorités de recherche incluent notamment le cancer colorectal, le diabète, l’hypertension artérielle, la maladie rénale, et les facteurs structurels tels que la race, la langue, le statut migratoire ou encore les conditions socio-économiques.
Évaluation des progrès : des résultats concrets
Mme Williams a également souligné les effets mesurables de cette approche globale. En 2007, l’espérance de vie moyenne à Roxbury était de 59,5 ans. En dix ans, grâce à un travail concerté entre les patients, les partenaires communautaires et les équipes du centre, cette espérance de vie a progressé de dix ans, atteignant 69 ans. « Ce sont les efforts collectifs de la communauté qui ont rendu cela possible », a-t-elle précisé.
Valorisation des acteurs engagés : les Champions de la Santé des Hommes 2025
La cérémonie de clôture a été marquée par la remise de distinctions à cinq figures exemplaires de l’engagement pour la santé des hommes :
- Damian Redden, gestionnaire de comptes chez Quest Diagnostics
- Doug Dixon, Directeur Général ӑ Santander Bank
- Jim Keane, Directeur Exécutif du Boston Bulldogs Running Club
- Lino Sanchez, fondateur de l’Urban Achievers High School
- Steven Rotman, Cadre-Expert à G-Flexion Life Sciences, Boston
Ces lauréats ont été salués pour leur résilience, leur engagement communautaire et leur rôle de modèles pour les générations futures.
Pour conclure, Mme Williams a rappelé que le Sommet s’inscrit dans une programmation plus vaste d’événements communautaires visant à sensibiliser, éduquer les patients. « Chaque sujet de santé mérite d’être abordé, car l’éducation est le premier levier de transformation sociale », a-t-elle affirmé.