Washington sanctionne un haut responsable haïtien, accusé de soutenir les gangs

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Fritz Alphone JEAN, membre du Conseil présidentiel de transition (CPT)

SAN JUAN (Porto Rico), 25 novembre 2025 (InfoHaïti.net) –Les États-Unis ont imposé des restrictions de visa à Fritz Alphonse Jean, membre du Conseil présidentiel de transition (CPT) en Haïti, l’accusant de soutenir des gangs et d’alimenter les organisations criminelles qui terrorisent le pays, selon un article de l’Associated Press. La décision intervient alors qu’Haïti peine à éviter une nouvelle spirale d’instabilité politique.

Dans un communiqué publié lundi soir, Washington n’avait pas révélé l’identité de la personne visée. Mais Jean a confirmé le lendemain qu’il s’agissait bien de lui. L’économiste, ancien gouverneur de la Banque centrale et ex-président du CPT, a rejeté fermement les accusations américaines, dénonçant une tentative d’influencer les choix politiques du pays à l’approche d’échéances cruciales.

Pressions avant les élections

Le Conseil présidentiel de transition doit quitter ses fonctions le 7 février 2026, date à laquelle Haïti est censé organiser des élections générales. Des critiques affirment que certains membres du conseil chercheraient à prolonger leur mandat, en poussant à la nomination d’un nouveau premier ministre qui soutiendrait cette stratégie.

Jean balaie ces allégations. Selon lui, son objectif est de remplacer l’actuel chef du gouvernement, Alix Didier Fils-Aimé, par une personnalité capable de lutter efficacement contre les gangs et la corruption. Il affirme que les sanctions et menaces de visa seraient apparues dès que le CPT a commencé à envisager un changement de premier ministre.

« Dès que nous avons commencé à étudier la possibilité de changer la tête du gouvernement, des membres du conseil ont reçu des menaces de révocation de visa et d’autres sanctions de la part de représentants de l’ambassade américaine et de l’ambassadeur canadien », a-t-il déclaré, selon l’article de l’AP.

Et d’ajouter : « Nous restons fermes contre la corruption, la capture de l’État par quelques individus, et les opérateurs impliqués dans le trafic de drogue et la prolifération d’armes. »

Ni les autorités américaines ni les autorités canadiennes n’ont réagi immédiatement. Le bureau du premier ministre haïtien n’a pas répondu aux demandes de commentaire.

Une crise politique nourrie par la violence des gangs

Le CPT a été créé après la démission de l’ancien premier ministre Ariel Henry, renversé l’an dernier par de multiples offensives de gangs qui contrôlent aujourd’hui 90 % de Port-au-Prince et de vastes territoires du centre du pays. Ces groupes armés, équipés d’armes de guerre, assassinent des civils, rançonnent les entreprises et se disputent les axes principaux.

La semaine dernière, le secrétaire d’État adjoint américain Christopher Landau a lancé un avertissement sur les réseaux sociaux, dénonçant des « appels à la guerre ouverte contre le gouvernement central » en Haïti.

« Le message des États-Unis et de la communauté internationale est clair : assez de violence et de destructions — et assez d’affrontements politiques », a-t-il écrit. Toute personne entravant la stabilité politique d’Haïti « doit s’attendre à des conséquences », a-t-il poursuivi, notamment la révocation de visas.

Après avoir parlé à l’Associated Press, Jean a tenu une conférence de presse où il a rendu publics plusieurs messages anonymes qu’il dit avoir reçus. L’un d’eux l’accusait de vouloir renverser le premier ministre, le mettant en garde : « Ce n’est pas le moment de tester la détermination des États-Unis. »

Seul un membre du Conseil présidentiel, Leslie Voltaire, a assisté à la conférence.

Sur le réseau X, l’ancien premier ministre Claude Joseph, pourtant souvent en désaccord avec Jean, lui a apporté un soutien public.

« Il est inacceptable que des ambassades menacent un conseiller présidentiel sous prétexte qu’il participe à la destitution du premier ministre », a-t-il écrit. « Aucun responsable haïtien ne doit se soumettre à des diktats étrangers. »

Élections incertaines, violence persistante

L’organisation d’élections avant février semble désormais irréaliste, en raison de l’insécurité généralisée. Le Conseil électoral provisoire avance des dates provisoires pour août et décembre 2026, mais aucune échéance ferme n’a été confirmée. Haïti n’a pas tenu d’élections depuis près de dix ans et le pays n’a plus de président depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021.

Entre janvier et septembre, plus de 4 300 personnes ont été tuées dans les violences, selon des chiffres cités par l’AP. La mission internationale appuyée par l’ONU et menée par la police kényane peine à stabiliser le terrain. Une nouvelle force spécialisée dans la lutte anti-gang, dotée de pouvoirs d’arrestation élargis, est annoncée.

En parallèle, la compagnie Sunrise Airways, seul transporteur à assurer des liaisons domestiques et internationales, a suspendu ses vols dimanche pour des raisons de sécurité. L’aéroport international de Port-au-Prince a dû fermer à plusieurs reprises en raison d’attaques de gangs.