Le plan de l’OEA jugé inadapté à la réalité haïtienne

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Réunion de l'OEA le 30 Juillet 2025

Port-au-Prince, 1er Août, 2025 – Par la Rédaction d’InfoHaïti.net

Le plan récemment proposé par l’Organisation des États américains (OEA), articulé autour de cinq axes et assorti d’un financement de 1,3 milliard de dollars, a été accueilli avec scepticisme par plusieurs personnalités haïtiennes. Emmanuel Ménard, dirigeant de la Force Louverturienne Réformiste, le qualifie de répétition des approches précédentes, sans innovation ni compréhension réelle des enjeux structurels du pays.

Pour Ricardo Seitenfus, ancien représentant de l’OEA en Haïti, le problème est plus profond : il estime que l’organisation porte une part de responsabilité dans la crise actuelle. Selon lui, le plan ne traite pas les causes politiques de l’instabilité. Il appelle à un véritable pacte de transition démocratique porté par les Haïtiens eux-mêmes, et non à une stratégie principalement orientée vers la mobilisation financière.

Soutien renouvelé de Washington et tensions autour du CPT

Dans ce climat tendu, les États-Unis ont réaffirmé, le 1er août 2025, leur soutien au Conseil présidentiel de transition (CPT) et au gouvernement en place. À travers une déclaration du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du Département d’État, Washington a dénoncé des tentatives de corruption visant à affaiblir le processus de transition.

La diplomatie américaine a salué l’engagement de certains membres du CPT à rejeter la corruption, tout en adressant une mise en garde claire contre toute tentative de déstabilisation. Cette prise de position intervient une semaine après la divulgation d’un rapport confidentiel de l’OEA évoquant un vide institutionnel redouté après le 7 février 2026, date butoir pour la mise en place d’un pouvoir exécutif légitime.

Détérioration continue des droits humains et de la situation sécuritaire

Le dernier rapport du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) confirme une aggravation dramatique de la situation sécuritaire. Entre avril et juin 2025, au moins 1 520 personnes ont été tuées, 609 blessées et 185 enlevées, principalement à Port-au-Prince mais aussi dans l’Artibonite et le Centre. Plus alarmant encore, 64 % des victimes sont tombées lors d’opérations de sécurité, dont certaines impliquant l’usage de drones explosifs.

Le rapport met également en lumière des exécutions sommaires présumées impliquant des policiers haïtiens, une réalité inquiétante pour l’état de droit. Parallèlement, la crise humanitaire s’intensifie avec plus de 1,3 million de déplacés internes, conséquence directe de la violence endémique.

Aide humanitaire en péril : coordination déficiente et financements en baisse

Face à l’urgence humanitaire, les Nations Unies tirent la sonnette d’alarme. Lors d’une conférence de presse, Ulrika Richardson, coordinatrice résidente de l’ONU en Haïti, a dénoncé le manque de coordination entre les acteurs humanitaires et la baisse significative des financements internationaux.

Elle appelle à une meilleure synergie entre les partenaires internationaux, sous la coordination du gouvernement haïtien, afin d’optimiser l’impact des actions sur le terrain. Le manque de ressources compromet, selon elle, la capacité des organisations à répondre efficacement aux besoins croissants des populations vulnérables.

L’aide américaine contre l’insécurité alimentaire

Dans ce contexte de famine croissante, les États-Unis ont annoncé une aide alimentaire d’urgence de 52 millions de dollars à destination de quatre pays, dont Haïti. Selon le Département d’État, cette assistance, qui bénéficiera à près de deux millions de personnes, sera acheminée par le Programme alimentaire mondial (PAM) à partir de dépôts situés aux États-Unis et à Djibouti. Les produits essentiels incluent du riz, de l’huile végétale, des pois cassés et des céréales enrichies, destinés à répondre à la détresse immédiate des populations.

Une stratégie nationale anticorruption en gestation

Sur le plan interne, l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) a lancé une série de consultations pour l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption sur les dix prochaines années. Selon son directeur, Hans Jacques Ludwig Joseph, il s’agit de définir des priorités claires, réalistes et partagées entre les différentes institutions de contrôle de l’État.

Le ministre de la Justice, Me Patrick Pélissier, a salué cette initiative, appelant à une méthodologie concertée pour construire une véritable synergie entre les organes de contrôle. Cette démarche vise à renforcer la gouvernance publique dans un pays où la corruption est perçue comme l’un des principaux freins au redressement institutionnel.