Alors que le « dialogue inter-haïtien » a été reporté sine die faute d’accord politique entre les parties engagées depuis plus de deux semaines dans des négociations conduites par la Conférence Episcopale d’Haïti (CEM) à l’hôtel El Rancho, le Mouvement Patriotique de l’Opposition Démocratique (MOPOD) a adressé hier une lettre au président Martelly de «de bien vouloir remettre votre démission aux deux autres corps constitués de l’Etat ». Ce regroupement de l’opposition avait boudé les négociations de « l’Hôtel el Rancho ».
Alors que le « dialogue inter-haïtien » a été reporté sine die faute d’accord politique entre les parties engagées depuis plus de deux semaines dans des négociations conduites par la Conférence Episcopale d’Haïti (CEM) à l’hôtel El Rancho, le Mouvement Patriotique de l’Opposition Démocratique (MOPOD) a adressé hier une lettre au président Martelly de «de bien vouloir remettre votre démission aux deux autres corps constitués de l’Etat ». Ce regroupement de l’opposition avait boudé les négociations de «l’Hôtel el Rancho ».
Dans son intégralité, la lettre adressée au Chef de l’Etat haïtien.
Port-au-Prince, le 17 février 2014
Son Excellence
Monsieur Joseph Michel Martelly
Président de la République
Palais National
Référence : Mémoire Politique portant justification de la demande de démission du Président de la République
Monsieur le Président de la République,
Le Mouvement Patriotique de l’Opposition Démocratique (MOPOD) vous communique, avec ses meilleurs compliments, la disposition de la résolution Nº 2, prise à l’unanimité, lors de sa retraite politique des 25 et 26 janvier 2014, selon laquelle il vous est demandé de bien vouloir remettre votre démission aux deux autres corps constitués de l’Etat.
La présente démarche obéit aux vœux de la loi portant formation, fonctionnement et financement des partis politiques de 2013, laquelle fixe, de façon nette et claire, les devoirs et responsabilités des partis politiques en ses articles 24 et 28. L’ensemble des charges retenues dans le mémoire cité en référence peut se résumer comme suit :
I.- Sur le Plan Politique
· Les violations répétées de la Constitution à travers notamment ses articles 58, 136 et 150 portant sur la délégation de la souveraineté populaire, les fonctions du Chef de l’Etat et les pouvoirs du Président de la République. De telles violations ont réduit à néant les acquis démocratiques conquis, de haute lutte, par le peuple haïtien.
· Le refus systématique de votre gouvernement d’organiser depuis bientôt trois ans les élections municipales et sénatoriales partielles selon leur échéance respective. Ce qui permet à votre camp politique de contrôler l’ensemble des structures décentralisées par la nomination des agents de l’Exécutif aux fonctions électives prévues par la Constitution. L’Exécutif s’est ainsi donné du temps, pour et avec les moyens de l’Etat, créer son propre parti politique (le Parti Haïtien Tet Kale) afin d’organiser ultérieurement les élections au profit de ce dernier;
· Les tentatives, maintes fois avortées, de mettre en place, sans aucune base constitutionnelle et légale, un Conseil Electoral Permanent d’abord et un Collège de Transition du Conseil Electoral Permanent ensuite;
· Les efforts, sans cesse renouvelés d’empêcher par desmoyens peu orthodoxes la jouissance des libertés publiques reconnues par la Constitution, qu’il s’agisse du droit de manifester, du droit à la sécurité, du droit à l’information, du droit au travail ou du droit de concourir aux marchés publics et aux appels à proposition. Ce qui est attesté par le rapport accablant des organismes de défense des droits humains.
II.- Sur le Respect du Principe de la Séparation des Pouvoirs
Votre Gouvernement ne se soucie guère du respect du principe de la séparation des pouvoirs. Le culte de la personnalité est, en outre, érigé en système de gouvernement contrairement aux dispositions de l’article 7 de la Constitution. Les principaux accrocs au principe de la séparation des pouvoirs peuvent se décliner comme suit :
a) Vis-à-vis du Pouvoir Judiciaire
La dépendance du pouvoir judiciaire de l’Exécutif est ostensiblement renforcée. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) n’existe que de nom. C’est le Ministre de la justice qui décide de tout, à travers Me Arnel Alexis Joseph nommé de manière illégale à la tête de la Cour de Cassation de la République. Concernant la mort suspecte et non élucidée du juge Jean Serge Joseph chargé d’enquêter sur les cas de corruption reprochés à la famille présidentielle, il est permis de faire les constats suivants :
– Deux commissions d’enquête du Sénat et de la Chambre des députés ont conclu à la responsabilité personnelle du Chef de l’Etat, du Premier Ministre et du Ministre de la Justice dans la disparition suspecte du Magistrat et ont recommandé leur mise en accusation par devant la Haute Cour de Justice pour parjure ;
Aucune enquête judiciaire n’est ouverte sur le dossier en dépit d’une dénonciation formelle d’un citoyen au Parquet de Port-au-Prince depuis le mois d’août 2013. Le CSPJ est incapable de boucler une enquête administrative sur le dossier.
– Le citoyen Enold Florestal, plaignant se constituant partie civile, dans l’affaire de la corruption présumée de la famille présidentielle a été arrêté et jeté en prison, avec son frère Josué, parce qu’il aurait refusé les offres de la Primature lui demandant d’abandonner les poursuites déjà engagées. Le Magistrat en charge du dossier, Lamarre Belisaire, est paradoxalement un des Magistrats nommés en marge de la loi par votre Gouvernement et qui est réputé pour sa soumission légendaire au Pouvoir Exécutif ;
b) Vis-à-vis du Pouvoir Législatif
Votre Gouvernement, dans son souci de faire du Parlement une simple caisse de résonnance, multiplie des conflits qui paralysent ce dernier et gène son efficacité. Le dernier épisode en date est celui du refus de l’Exécutif de publier les noms des Conseillers de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) nommés constitutionnellement par le Sénat de la République. Ce qui légalement bloque le fonctionnement régulier de l’Etat depuis octobre 2013 avec toutes les conséquences de fait et de droit qui pourraient résulter de la non-application de la législation sur la comptabilité publique.
III.- Sur la Mauvaise Gouvernance et la Corruption
L’Administration Martelly / Lamothe est passé maitre dans l’art de la mauvaise gouvernance politique et administrative. Selon les rapports concernés de la Banque Mondiale, Haïti a toujours eu un score très bas en matière de bonne gouvernance. Cependant, la situation s’aggrave chaque jour davantage avec le Président Martelly au point de faire craindre le pire pour la Nation Haïtienne qui s’approche de l’effondrement collectif. En témoignent les exemples suivants :
· Perception et utilisation de taxes collectées au profit d’un Fonds pour l’Education non existant, en violation de la Constitution, comme c’est le cas pour les appels téléphoniques entrants et sortants et les transferts internationaux provenant de la diaspora haïtienne;
· Utilisation, dans l’opacité la plus totale, des 3, 4 million de dollars versés par l’Uruguay dans le cadre de sa coopération avec Haïti à travers les forces onusiennes et des 432 millions de dollars dépensés à la suite du passage de l’ouragan Sandy en 2012.
· La gestion non durable et non régulière des fonds du Petro Caribe dont la dette cumulée dépasse le milliard de dollars alors que le service de la dette devient de plus en plus lourd
· Multiplication de contrats léonins au profit des entreprises dominicaines sans justification aucune, malgré les protestations des organisations professionnelles concernées
· La gestion inconsistante des différends opposant la République d’Haïti et la République Dominicaine mettant ainsi en péril l’amitié entre les deux peuples et le développement de l’île entière
· Le refus à peine voilé de faire droit aux justes revendications des ouvriers et des syndicats pour le salaire minimum, des professeurs pour de meilleures conditions de travail, des paysans pour l’accès à l’information et à la justice et tout cela dans le but évident de prioriser les dépenses de consommation et de prestige au détriment des investissements productifs.
Le MOPOD vous demande donc de prendre acte du fait que tout va mal pour la nation menacée d’effondrement et que l’organisation d’élections générales en 2014 (présidentielles anticipées, législatives pour l’ensemble des Députés et les 2/3 du Sénat, et l’ensemble des collectivités territoriales c’est-à-dire les maires et les conseils d’administration de section communale) représente la meilleure option possible pour le salut de la république, en termes politiques, financiers et sociaux. Ainsi, la démission en temps et lieu du Chef de l’Etat permettra la tenue d’une seule élection générale en 2014 en lieu et place de plusieurs élections en 2014 et en 2015. La souveraineté nationale l’exige tandis que la démocratie le commande.
Vous remerciant, de l’intérêt que vous accorderez à l’objet de la présente, le MOPOD vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, ses salutations distinguées.
Pour le Comité de Pilotage
Jean André Victor, Coordonnateur