Port-au-Prince, 4 août 2025 | Par la Rédaction – InfoHaïti.net
Le coordonnateur sortant du Conseil présidentiel de transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, a exprimé de profondes inquiétudes concernant l’évolution de la gouvernance au sein de la transition. Lors d’une entrevue accordée à Radio Métropole, il a confirmé qu’un processus d’évaluation des performances gouvernementales était en cours, tout en réfutant avec fermeté toute accusation de corruption ou de manœuvres obscures au sein du CPT.
M. Jean a toutefois mis en garde contre les risques liés à la prise de fonction prochaine de Laurent Saint-Cyr dans le cadre de la rotation prévue à la tête du Conseil, soulignant que cela pourrait conduire à une mainmise du secteur privé sur les deux branches de l’exécutif — une configuration qu’il juge incompatible avec les intérêts fondamentaux de la nation. Il a également accusé certains acteurs économiques d’alimenter l’insécurité actuelle, évoquant un processus progressif de captation de l’appareil étatique par des intérêts privés.
Pour Fritz Jean, l’organisation du référendum constitutionnel et des élections demeure un impératif démocratique à respecter durant le mandat du nouveau président du Conseil.
Parallèlement, l’insécurité continue de frapper durement la région métropolitaine. Dans la nuit du dimanche 3 août, neuf personnes, dont une missionnaire irlandaise et un enfant de trois ans, ont été enlevées à l’orphelinat Sainte-Hélène à Kenscoff, une commune située à une dizaine de kilomètres au sud-est de Port-au-Prince. Selon les autorités locales, l’attaque a été perpétrée sans effusion de sang, vers 3h30 du matin, par des individus lourdement armés, identifiés comme membres du gang « Viv Ansanm ». Les ravisseurs ont pénétré dans le logement de la directrice, Gena Heraty, en forçant un mur de l’établissement, avant de s’enfuir avec les otages.
L’orphelinat, géré par l’organisation internationale Nos Petits Frères et Sœurs, accueille plus de 270 enfants, dont une cinquantaine vivent avec un handicap. Le gouvernement irlandais a exprimé sa « profonde préoccupation » et affirme avoir mobilisé tous les moyens diplomatiques pour obtenir la libération de sa ressortissante. Aucun contact ni demande de rançon n’a encore été signalé à ce jour. Ce rapt s’ajoute à une longue liste de cas similaires : selon l’ONU, plus de 340 enlèvements ont été enregistrés au premier semestre de 2025, alors que 90 % de la capitale seraient désormais sous le contrôle de groupes armés.
Sur le front social, la tension monte également. Des employés du Centre National des Équipements (CNE), en grève depuis plusieurs semaines pour réclamer le paiement de plusieurs mois d’arriérés de salaire, ont été brutalement dispersés par des unités spécialisées de la Police nationale d’Haïti (PNH). Le sit-in, organisé devant les locaux de l’institution, a rapidement dégénéré : des grenades lacrymogènes ont été utilisées, provoquant des malaises parmi les manifestants, des mouvements de panique, ainsi que d’importants embouteillages dans la zone. Plusieurs témoins évoquent une répression disproportionnée face à une mobilisation pacifique.
Enfin, sur le plan judiciaire, l’arrestation de l’ancien sénateur Nenel Cassy, figure politique influente affiliée au parti Fanmi Lavalas, a suscité de nombreuses réactions. Interpellé le 2 août à Pétion-Ville par des agents de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), l’ancien élu est accusé de complot contre la sûreté de l’État, de financement de gangs armés, de complicité dans l’assassinat de Jacques Pierre Matilus (2021) et d’association de malfaiteurs. Un couteau lié à cet homicide aurait été retrouvé dans son véhicule.
La DCPJ a également procédé à une perquisition de son domicile. Depuis plusieurs années, M. Cassy fait l’objet de sanctions internationales : le Canada (mars 2023) et les États-Unis (novembre 2023) l’ont sanctionné pour corruption et liens présumés avec le crime organisé.
En 2023, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) avait recommandé des poursuites contre lui pour enrichissement illicite. Ses avocats dénoncent une arrestation arbitraire et politiquement motivée, remettant en cause la validité du mandat judiciaire, annulé selon eux depuis mars 2025. Pour sa part, la PNH affirme que l’ancien sénateur a ignoré plusieurs convocations. À ce jour, aucune date de comparution n’a été communiquée.