Washington, 12 Aoû5, 2025 – Par la Rédaction d’InfoHaïti.net
(Source : Conférence de Presse Ministère américain de la Justice)
Le département américain de la Justice a annoncé, mardi 12 août, la mise en accusation par un grand jury fédéral de Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », l’un des chefs de gangs les plus puissants d’Haïti, ainsi que de Bazile Richardson, citoyen américain naturalisé d’origine haïtienne. Les deux hommes sont accusés d’avoir conspiré pour contourner les sanctions imposées par les États-Unis et financer les activités criminelles du réseau dirigé par Chérizier à Port-au-Prince.
Selon l’acte d’accusation, rendu public par le tribunal fédéral du District de Columbia, les deux prévenus auraient sollicité des fonds auprès de membres de la diaspora haïtienne aux États-Unis afin de payer les salaires des membres du gang et d’acheter des armes à feu auprès de trafiquants illégaux. La majorité de ces armes, précise l’enquête, proviendrait du territoire américain, Haïti ne disposant pas de production locale.
Bazile Richardson, âgé de 48 ans et connu sous plusieurs pseudonymes dont « Fredo » et « Fred Lion », a grandi en Haïti avant de s’installer aux États-Unis. Résidant à Fayetteville, en Caroline du Nord, il a été arrêté le mois dernier au Texas. Les autorités l’accusent d’avoir joué un rôle central dans la collecte et le transfert de fonds destinés à soutenir l’appareil criminel de Chérizier.
Ancien policier de l’unité d’élite haïtienne, Jimmy Chérizier a été révoqué en décembre 2018 et est soupçonné d’avoir organisé ou participé à plusieurs massacres d’ampleur, notamment à Grand Ravine (2017), La Saline (2018) et Bel-Air (2019). Le massacre de La Saline a fait 71 morts, plus de 400 maisons détruites et au moins sept femmes victimes de viols.
En 2020, il a fondé l’alliance criminelle « G9 Famille et Alliés », regroupant initialement neuf gangs de la capitale. Cette coalition s’est ensuite alliée à son principal rival pour former, en septembre 2023, la fédération « Viv Ansanm » (Vivre ensemble), aujourd’hui considérée comme la structure criminelle dominante en Haïti. Viv Ansanm contrôle environ 90 % de Port-au-Prince et a été désignée organisation terroriste étrangère par Washington en mai dernier.
Les autorités américaines et plusieurs organisations de défense des droits humains accusent cette fédération de meurtres, enlèvements contre rançon, viols, extorsions et attaques contre des infrastructures clés. En février 2024, ses membres ont mené des assauts coordonnés contre des sites gouvernementaux, provoqué la fermeture de l’aéroport international pendant près de trois mois et organisé l’évasion de plus de 4 000 détenus des deux plus grandes prisons du pays.
Pour le département de la Justice, l’objectif de Chérizier et de ses complices allait au-delà du financement d’opérations criminelles : des échanges interceptés évoquent un projet de « révolution » visant à prendre le pouvoir et à former un nouveau gouvernement en Haïti, avec le soutien financier massif de la diaspora.
Le secrétaire adjoint à la Justice, John Eisenberg, a affirmé que les États-Unis « continueront de poursuivre ceux qui alimentent la violence et l’instabilité en Haïti ». De son côté, l’avocate fédérale Jeanine Pirro a qualifié Chérizier de « chef de gang responsable d’atroces violations des droits humains, y compris contre des citoyens américains », rappelant la prime de cinq millions de dollars offerte pour toute information menant à son arrestation ou à sa condamnation.
Malgré la présence partielle d’une mission internationale de sécurité appuyée par l’ONU et les efforts de la Police nationale haïtienne, Chérizier conserve une forte influence dans ses bastions et continue d’opérer librement. Il est également sous le coup de sanctions imposées par les Nations unies, le Canada et le Royaume-Unis.
Les violences, enlèvements et affrontements armés ont déplacé plus d’un million de personnes et compliquent l’acheminement de l’aide humanitaire, plongeant 5,7 millions d’Haïtiens dans l’insécurité alimentaire. Sur le plan économique, les extorsions, la fermeture de commerces et la fuite des investissements accentuent la crise, tandis que l’exode des habitants s’accélère, aggravant la fragilité politique, sociale et économique du pays.