Port-au-Prince, 8 décembre 2025 — (InfoHaïti.net) – L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a demandé ce lundi au parquet d’engager des poursuites pénales contre l’ancien président haïtien Michel Joseph Martelly, après une enquête qui met en évidence de nombreuses irrégularités dans ses déclarations de patrimoine.
Le rapport, rendu public à la veille de la Journée internationale de lutte contre la corruption, évoque des omissions répétées, des incohérences et des informations jugées volontairement trompeuses, selon les conclusions consultées par l’AFP.
Au cœur des reproches figure le non-respect des exigences légales entourant la déclaration obligatoire des biens des hauts fonctionnaires. La déclaration initiale de Martelly, déposée plusieurs semaines après le délai requis, est présentée comme irrégulière, tout comme celle de fin de mandat, soumise près de deux ans après son départ du pouvoir. L’ULCC estime que ces manquements constituent une violation flagrante de la loi sur la déclaration de patrimoine.
Les enquêteurs pointent surtout de profondes divergences entre les documents fournis par l’ancien chef d’État et les informations obtenues auprès de plusieurs institutions financières. Alors que Martelly mentionnait seulement quelques comptes bancaires à son entrée en fonction, l’ULCC affirme en avoir identifié plusieurs dizaines appartenant à lui ou à son épouse, certains liés à des opérations financières non déclarées. Un prêt contracté par Sophia Saint-Rémy Martelly en 2011 n’apparaît dans aucun des formulaires officiels.
L’enquête met également en évidence des biens immobiliers non signalés, pourtant acquis bien avant la présidence de Martelly. Plusieurs propriétés situées à Pétion-Ville, qui auraient dû figurer dans la déclaration initiale, ne sont mentionnées que plusieurs années plus tard. Une résidence achetée durant le mandat présidentiel serait également dépourvue d’explication quant à son financement. Pour l’ULCC, ces omissions successives soulèvent la question d’une volonté active de soustraire certains éléments au contrôle légal.
Des anomalies similaires ont été observées dans l’inventaire des véhicules déclarés. Certains figurant dans les documents de 2011 disparaissent sans justification dans ceux de 2018, tandis que d’autres, acquis avant le mandat présidentiel, ne sont pas déclarés du tout. Les revenus déclarés par Martelly à son entrée et à sa sortie de fonction présentent eux aussi d’importantes contradictions, notamment en ce qui concerne ses activités artistiques, ses interventions rémunérées et les revenus locatifs mentionnés tardivement. L’enquête note également l’absence de déclaration des rémunérations perçues par son épouse dans le cadre de ses fonctions officielles.
L’ULCC signale par ailleurs que plusieurs participations dans des entreprises ne figurent pas dans les déclarations de Martelly, alors que certaines d’entre elles apparaissent dans des documents consultés par les enquêteurs. Une seule société est mentionnée à la fin de son mandat, sans éléments permettant d’expliquer l’absence des autres.
Face à ces irrégularités cumulées, l’ULCC demande la mise en mouvement de l’action publique pour fraude et fausses déclarations de patrimoine, rappelant que la loi impose transparence et exactitude aux responsables publics. « Nul n’est au-dessus de la loi », a déclaré le directeur général de l’institution, Hans Jacques Ludwig Joseph, appelant la justice à agir avec « fermeté » pour renforcer la lutte contre la corruption.
Le dossier Martelly s’inscrit dans un ensemble de cinq rapports transmis ce même jour à la justice, portant notamment sur l’utilisation de fonds publics destinés à l’éducation, à la célébration de la Fête du drapeau, et sur des soupçons de corruption liés à la gestion du patrimoine national. L’ancien président est par ailleurs sous sanctions américaines et canadiennes depuis 2022 pour trafic de drogue, soutien à des groupes armés et corruption, selon les autorités concernées.
Michel Martelly n’avait pas encore réagi aux recommandations et conclusions de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC)





