BROCKTON (Massachusetts), 12 décembre 2025 — PAR YVES CAJUSTE, InfoHaiti.net – Réunis vendredi au Shaw’s Center de Brockton, des professionnels de santé et des acteurs communautaires des services sociaux ont participé au Public Health Symposium 2025, un forum régional consacré aux « défis de santé publique » et aux « lacunes et barrières » qui continuent de freiner l’accès aux soins, la prévention et la prise en charge de la santé mentale.
Organisé par le département de la santé de la Ville de Brockton, le symposium s’inscrivait dans le cadre d’un accord de services partagés associant Brockton, Abington, Avon, Stoughton et Whitman, avec le soutien du Massachusetts Department of Public Health (DPH). La rencontre était centrée sur la présentation et l’analyse de données issues d’une évaluation des besoins sanitaires, appelées à nourrir les futurs plans régionaux d’amélioration de la santé.
Dans son discours d’ouverture, le maire Robert Sullivan, dont le mandat prendra fin début janvier, a appelé à dépasser les clivages et les cycles politiques au profit d’un travail collectif durable. « Ce forum est là pour éduquer et informer, mais aussi pour construire des relations et renforcer la collaboration », a-t-il déclaré, affirmant qu’il resterait engagé au service de la communauté après son “départ de la mairie”. Évoquant la pandémie de Covid-19, il a rappelé que Brockton avait perdu 549 habitants, estimant toutefois que ce bilan aurait été « bien plus lourd » sans la mobilisation conjointe des hôpitaux et des partenaires locaux.

Le maire Sullivan a par ailleurs alerté sur plusieurs indicateurs préoccupants, citant « la plus forte hausse de cas de VIH positifs dans le Commonwealth », ainsi que la persistance de la crise des opioïdes et des difficultés liées à la dépendance.
Prenant la parole après les propos d’ouverture du maire Robert Sullivan, le révérend Dr Eno Mondésir, Directeur Exécutif au “Board of Health” de la ville de Brockton a souligné les enseignements tirés de la pandémie de Covid-19, insistant sur l’importance du travail collectif en santé publique. « L’une des choses essentielles que le Covid m’a apprises, c’est la nécessité de travailler avec d’autres institutions locales », a-t-il déclaré, relevant que certains défis peuvent paraître « insurmontables » pour une seule personne ou un seul service. « Mais lorsque nous avançons ensemble, la tâche devient plus facile », a-t-il ajouté, mettant en avant la valeur de la collaboration interinstitutionnelle.

Le Dr Mondésir est revenu sur la période charnière de la fin 2021 et de 2022, lorsque le Massachusetts Department of Public Health (DPH) a mis fin à certaines prestations directes, notamment les enquêtes de cas, transférant ces responsabilités aux municipalités. Selon lui, cette transition s’est faite avec l’appui de l’État. « Le DPH ne nous a pas abandonnés », a-t-il insisté, rappelant que des ressources ont été allouées pour permettre aux institutions locales de santé d’assumer pleinement ces nouvelles missions.
Dans ce contexte, il a présenté l’accord de services partagés PN5/SSA, réunissant Brockton, Avon, Abington, Stoughton et Whitman, comme un « véritable changement de paradigme ». Ce dispositif, a-t-il expliqué, facilite une collaboration intermunicipale parfois complexe, chaque collectivité ayant ses propres réalités. « Mais lorsque nous nous asseyons autour de la table avec une population commune à servir en tête, nous avançons », a-t-il souligné.
Le responsable de la santé municipale a également insisté sur la réalité sociale et communautaire, rappelant que les habitants de ces villes partagent souvent les mêmes lieux de culte et réseaux associatifs. « Les frontières administratives ne reflètent pas la vie réelle des populations que nous servons », a-t-il observé, estimant que l’action concertée permet de répondre plus efficacement à des problématiques communes.
Reconnaissant que la mise en place de ce partenariat n’a pas été sans obstacles, le Dr Mondésir s’est toutefois voulu optimiste. « Il y a eu des difficultés, mais elles sont désormais derrière nous », a-t-il affirmé, se disant convaincu que la coopération intermunicipale, soutenue par les ressources du DPH, place désormais la région « sur la bonne trajectoire » pour relever les défis de santé publique à venir.

Au nom du DPH, Bethany Griles (MPH), coordinatrice de programme au sein de l’Office of Local and Regional Health (OLRH), a salué le modèle des services partagés comme un tournant pour la santé publique locale. Elle a rappelé que les collectivités font face depuis des années à des contraintes structurelles — effectifs insuffisants, formations inégales, systèmes de données fragmentés — désormais prises en charge grâce au programme de subventions Public Health Excellence (PHE). Selon elle, l’accord intermunicipal et le partage de personnel entre les cinq villes démontrent que la collaboration peut générer des résultats « mesurables », renforcer les inspections, stabiliser les équipes et améliorer la qualité des données. « Lorsque les municipalités s’unissent, la santé publique devient non seulement plus forte, mais aussi plus durable », a-t-elle conclu.

Principale oratrice à ce symposium, Dr Jessica Zeidman, commissaire adjointe et directrice médicale au Massachusetts Department of Public Health (DPH), a replacé l’évaluation des besoins sanitaires dans une perspective plus large. Les données, a-t-elle souligné, mettent en lumière des « lacunes » et des « barrières », mais aussi des « forces » et des « opportunités ». Elle a rappelé un principe central de santé publique : les résultats sanitaires dépendent « bien davantage des conditions de vie » que des soins reçus une fois la maladie déclarée. Logement, alimentation, éducation, transports, exposition environnementale, revenus, sécurité et cohésion des quartiers (déterminants sociaux) pèsent lourdement sur l’état de santé, a-t-elle détaillé, notant que l’inégale répartition de ces facteurs se traduit par des inégalités sanitaires persistantes.
Parmi les priorités urgentes, elle a insisté sur l’accès aux soins, décrivant un parcours devenu « compliqué », « frustrant » et « confus », dans un contexte de pénuries de médecins généralistes et de psychiatres, de délais prolongés pour obtenir un rendez-vous et de pressions croissantes sur les professionnels. Elle a également évoqué l’impact des fermetures d’hôpitaux et de pharmacies, qui allongent les temps de déplacement, surchargent les structures restantes et accentuent les difficultés des personnes sans moyen de transport ou aux horaires contraints. Elle a enfin pointé des retards dans l’accès aux soins prénataux, liés, selon elle, à des obstacles administratifs et linguistiques — et parfois à « la peur » chez certaines personnes nées hors des États-Unis (les immigrants).
La responsable du DPH a toutefois mis en avant une initiative locale présentée comme un modèle : un programme de vaccination mené en partenariat avec les écoles publiques de Brockton afin de proposer des vaccins aux élèves qui ne sont pas à jour. Évoquant une flambée de rougeole dans le sud des États-Unis, liée à une couverture vaccinale inférieure au seuil de 95 %, elle a martelé : « Pas ici, jamais ici. » À l’heure où « la santé publique est soumise à une pression extraordinaire » et où la désinformation progresse, elle a assuré que le Massachusetts resterait « guidé par la science » et « ancré dans l’équité », rappelant que « l’équité est au cœur même du travail de la santé publique ».

Prenant la parole lors de ce symposium, Maria Celli (PsyD), CEO et Présidente du Brockton Neighborhood Health Center (BNHC), a présenté l’institution qu’elle dirige depuis sept mois, rappelant qu’elle figure parmi les plus importants centres de santé communautaires du Massachusetts. Le BNHC, a-t-elle indiqué, assure le suivi de près de 40 000 patients, totalise plus de 215 000 consultations par an et emploie environ 600 personnes, réparties sur plusieurs sites cliniques — dont un site principal au centre-ville, une structure pédiatrique, une clinique intégrée à un refuge pour personnes sans-abri, une unité mobile et un centre de santé scolaire en cours de développement.
Plus loin, Dr Celli a insisté sur le maintien de l’accès aux soins primaires et sur l’intégration de la santé mentale aux services de premier recours, notamment face aux préoccupations croissantes liées à la santé mentale des jeunes. Elle a également évoqué les efforts visant à améliorer l’accès à la santé maternelle grâce à des programmes et subventions. Tout en soulignant l’importance du travail en réseau, elle a alerté sur un risque majeur à venir : la fragilisation de la couverture Medicaid, dont dépend une large part des patients, appelant la communauté à s’y préparer collectivement, « comme pendant le Covid ».

Le Dr Kenneth Lawson, directeur médical de BMC South (ancien Good Samaritan Medical Center), a retracé les crises successives ayant fragilisé le système de santé régional — pandémie de Covid-19, fermetures d’établissements, difficultés liées à l’ancien propriétaire Steward — et la perte de confiance qui en a résulté. Il a présenté BMC South comme un hôpital « de proximité » déterminé à « maintenir les patients dans la communauté » et à améliorer l’accès aux soins, notamment grâce à des investissements récents dans l’imagerie médicale, le recrutement et les systèmes de dossiers de santé.

La dimension spirituelle et psychosociale a également marqué les échanges lors de ce symposium hier vendredi au Shaw’s Center à Brockton. Le révérend Dr Abraham Waya (Central United Methodist Church) a souligné le rôle des communautés religieuses dans la santé publique, en particulier pour lutter contre la stigmatisation — notamment autour des infections sexuellement transmissibles — et accompagner les personnes vers les soins. Le révérend Dr Carlot D. Celestin, engagé auprès des familles immigrées, a, pour sa part, alerté sur une réalité qu’il qualifie de « santé mentale des immigrants », mêlant déplacement, charges culturelles, vulnérabilités psychologiques et dimensions spirituelles, dans un contexte de ressources insuffisantes et de méfiance envers certaines institutions.

Ce symposium a également été marqué par des échanges nourris entre les experts et les participants. En réponse à une question sur l’importance de la médecine préventive, le Dr Victor Sebastian, commissaire à la Santé et aux Services sociaux (Health and Human Services Commissioner) de la Ville de Brockton, a expliqué que l’évaluation des besoins sanitaires présentée ce matin au symposium reposait sur une double approche : l’analyse des déterminants sociaux de la santé et celle des résultats sanitaires observés. « En santé publique, nous examinons les déterminants sociaux dans une logique de prévention », a-t-il souligné, rappelant que ces facteurs constituent les principaux moteurs des pathologies constatées, telles que l’obésité, l’alcoolisme ou la dégradation de la santé mentale des jeunes.
Selon lui, les données montrent que derrière ces résultats défavorables se trouvent des causes structurelles, notamment le sans-abrisme, la consommation de substances, les conditions de logement et l’environnement social et psychologique dans lequel grandissent les enfants et les adolescents. « Un environnement qui favorise la violence ou la stigmatisation conduit inévitablement à des comportements violents ou à une augmentation de la dépression », a-t-il expliqué, évoquant également les effets de la surpopulation sur les comportements à risque. Pour le Dr Sebastian, il est impossible d’agir efficacement sur les problèmes de santé sans s’attaquer à ces déterminants : « Identifier les facteurs qui génèrent ces résultats défavorables permet de les atténuer en amont. C’est précisément cela, la prévention », a-t-il conclu.

Le maire élu Moises Rodrigues a clôturé le symposium en remerciant les participants et en saluant l’écosystème local — hôpitaux, centres de santé, églises et organisations communautaires — tout en appelant l’État à consacrer davantage de ressources à Brockton. Mettant en avant la diversité de la ville et les disparités qui l’accompagnent, il a plaidé pour des moyens mieux ciblés et des services accessibles dans plusieurs langues. « Je ne suis pas venu me plaindre », a-t-il assuré, promettant toutefois de porter ces enjeux une fois en fonctions, avant d’inviter les acteurs présents à « continuer de croire en Brockton » et à poursuivre leur engagement au service des habitants de cette ville, qu’il dirigera à partir du 5 janvier 2026.
QUELQUES PHOTOS DU SYMPOSIUM SUR NOTRE PAGE FACEBOOK : https://www.facebook.com/share/p/1BXqNzkVCy/





