Des dizaines de matchs éliminatoires de Coupe du monde se sont joués les 12 et 16 octobre. La remontée de la Suède à 4-4 menée 0-4 par l’Allemagne à Berlin jusqu’à la 62e minute remporte la palme du plus excitant, du plus insolite et du plus marquant en ce qu’elle se classe en référence des scénarios improbables dans toute l’histoire du football. C’est collectif.
Dans ce registre, l’égalisation française 1-1 avec les Espagnols a surpris les observateurs du monde entier, nous en premier. La France ne valait pas une minute de résistance face à la super classe ibérique. Pourtant, les Xavi, Iniesta, Ramos n’ont pas été capables de marquer en cours de jeu. Et la France, au but de Ramos à bout portant suite à un corner de Xavi depuis la 1e mi-temps, a répondu par un but de la tête de Giroud, aboutissement d’une contre-attaque de Moussa Sissoko relayée par Ribéry ; au départ, offrande de Juan Fran qui avait perdu le ballon au profit d’Evra.
Un but est la jouissance suprême ; on va en parler. Reconnaissons toutefois que la tenue de la France en 2e mi-temps a balayé la croyance d’une Espagne intouchable dans le contrôle du ballon. Que ne fussent-ils pas moins maladroits devant le but de Casillas souvent seul, les Valbuena, Ribéry, Matuidi, Benzema. De peu l’exploit collectif du jour eût été gaulois.
Par Agüero, Messi et Di Maria, l’Argentine a offert à notre dégustation un exercice d’attaque en triangle avec l’aisance et la clarté telles qu’on le voit à l’entraînement. Un dégagement uruguayen qui échoue sur Rojo dans les 45-48 mètres, autrement dit, pas trop loin de la ligne médiane. Le jeune latéral gauche confie le jouet à Agüero qui parcourt environ 15 mètres à toute bouline avant de confier la diligence à Messi avec lequel il change d’itinéraire, le gaucher se dirigeant sur le côté gauche et en profondeur avec le ballon sous bonne garde comme il sied de sécuriser un trésor, lui-même Agüero continuant sa course vers le but, sans ballon donc. Messi se fixe sur la demande de Di Maria. Il voit Pereira sur la trajectoire possible de la passe en préparation. Il nous sort le Coup du Canif qui fait tourbillonner le ballon et provoquer le torticolis chez le défenseur uruguayen qui tentait de d’assouplir le cou à l’égal d’une tête de serpent pour détourner le ballon. Di Maria, lui, reçoit une hostie qu’il partage avec Agüero qui savait que le jouet devait emprunter ce chemin.
Messi est un faux adulte, car sourient en lui les souvenirs et l’habileté des enfances libres. Il l’a démontré face à Santiago du Chili à la réception d’une passe à mi-hauteur perforante de Gago qu’il part s’en emparer dans le dos de la défense et à 12-13 mètres de la ligne de but. Son contrôle manque environ 3 points. Le ballon lui reste donc un peu entre les jambes. Il sent, entend, il sait les défenseurs à ses trousses. S’il tire, ce sera trop faible, s’il conduit le ballon, la meute le rattrapera. En posant fermement le pied gauche sur le ballon, il dessine un L à l’envers et Jara se précipite dans le vide, et tous les autres dansent la danse de Saint Gui, et il ajuste le ballon au coin droit du filet de l’intérieur du même pied gauche, comme les bijoutiers savent sertir une pierre précieuse au creux d’une couronne d’or. Le match s’est terminé 1-2.
Neymar jouait un match de championnat du Brésil contre Atletico Mineiro de Ronaldinho. Il ne s’est pas contenté d’un large et haut sombrero aux dépens de deux compatriotes qui lui barraient la route sur la ligne de touche par le coup de l’étrier. Comment décrire ? Prendre le ballon fermement entre les deux pieds en portant le corps de travers, le rouler par le pied arrière sur l’antérieur qui le lance vers le haut et vers l’avant dans le sens opposé du défenseur.
Il a aussi marqué un but en commençant, donnant dos à 40 mètres du but adverse, par un contrôle orienté de l’extérieur du pied droit qui lave l’entrecuisse d’un défenseur trop hâtif. Il a le temps de se retourner et anticiper l’entreprise d’un second qui se jette pourtant sur le ballon pour ne pas être ridiculisé. Ça ne suffit pas. Et la gazelle se lance vers le but. Mais il doit compter avec un arrière central qu’il oblige à le suivre vers l’axe du but alors que l’idée de passer un peu sur le côté gauche lui avait effleuré l’esprit. La bifurcation troubla et l’esprit et le corps du pauvre défenseur qui ne peut contrer la frappe du droit dans un ballon fusant qui privilégie les mailles rugueuses des tresses de nylon du filet au soyeux du creux des gants du gardien mineiro.
