
CHICAGO (États-Unis) – 12 Novembre 2025- InfoHaïti.net – Un juge fédéral de l’Illinois a ordonné, puis envisagé d’élargir, la libération de centaines de personnes arrêtées lors d’une vaste opération de répression migratoire menée ces derniers mois dans la région de Chicago, selon différents médias américains, dont WLS et CNN. La décision intervient alors que la légalité de milliers d’arrestations effectuées par les services fédéraux de l’immigration est contestée devant les tribunaux.
Selon les informations rapportées par ces médias, les arrestations ont été réalisées dans le cadre de « Operation Midway Blitz », une campagne fédérale qui aurait conduit à plus de 3 000 interpellations entre les mois de juin et d’octobre. L’opération s’inscrit dans un effort plus large de l’administration Trump visant à étendre les actions des forces fédérales d’immigration dans des États et municipalités dirigés par des responsables démocrates, même lorsque les autorités locales expriment des réserves ou une opposition à leur présence.
Le juge fédéral Jeffrey Cummings, du district Nord de l’Illinois, a d’abord ordonné la libération de centaines de personnes encore en détention, estimant que les conditions de leur arrestation semblaient contrevenir à un décret de consentement conclu en 2022, connu sous le nom d’accord Castañón Nava. Cet accord encadre strictement les arrestations sans mandat effectuées par l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) et la Border Patrol dans l’Illinois et cinq États voisins.
Les personnes concernées doivent recevoir une décision de mise en liberté sous caution avant le 21 novembre à midi, sauf si elles ont déjà été expulsées ou ont choisi de quitter volontairement le territoire, ont indiqué des sources locales citées par WLS.-
Un contentieux sur les arrestations sans mandat
Au cœur du litige se trouve la question du respect – ou de la violation – des engagements pris par les autorités fédérales dans l’accord Castañón Nava, signé en 2022 pour mettre fin à des poursuites visant l’ICE pour pratiques d’interpellation jugées abusives dans la région de Chicago. Cet accord exige notamment que les agents disposent d’un motif probable démontrant qu’une personne se trouve illégalement sur le territoire, et qu’ils évaluent le risque de fuite avant toute arrestation sans mandat.
Selon les avocats du National Immigrant Justice Center (NIJC) et de l’ACLU, ces conditions n’auraient pas été respectées dans un nombre très important de cas. « La vaste majorité des arrestations effectuées selon ces tactiques sont illégales », a dénoncé l’avocat Mark Fleming, du NIJC, lors d’une conférence de presse, selon différents médias américains.
Les documents transmis par les autorités fédérales montrent que l’ICE a fourni une liste de 3 800 personnes, tandis que la Customs and Border Protection et la Border Patrol ont transmis une liste supplémentaire de 1 200 noms. Les avocats précisent toutefois que ces listes comprennent probablement des doublons, et qu’elles ne prennent en compte que les arrestations effectuées avant le début du mois d’octobre. Le nombre total d’arrestations réalisées dans le cadre de l’opération pourrait donc être plus élevé.
Selon Mark Fleming, plus de 1 100 personnes figurant sur ces listes auraient déjà quitté les États-Unis après avoir signé des ordres de départ volontaire, parfois par crainte de rester en détention prolongée sans certitude sur l’issue de leur dossier. Environ 615 personnes demeurent détenues dans des centres de rétention à travers le pays.
Vers une possible libération élargie : un débat juridique complexe
Lors d’une audience, le juge Cummings a indiqué qu’il examinait la possibilité d’accorder une « mesure équitable », une disposition qui pourrait permettre la libération rapide des personnes arrêtées en violation présumée du décret de 2022.
Selon différents médias américains, cette « mesure équitable » pourrait inclure des alternatives à la détention, telles qu’un bracelet électronique, des pointages réguliers auprès des autorités migratoires ou des entretiens virtuels via application mobile.
Le magistrat avait déjà conclu en octobre que des agents fédéraux avaient violé l’accord de 2022 dans plusieurs cas récents. Mais la portée de son pouvoir judiciaire fait l’objet d’un débat.
Des représentants du Department of Homeland Security (DHS) soutiennent que le Congrès a réservé au secrétaire à la Sécurité intérieure le droit d’accorder un statut de « parole », c’est-à-dire une libération conditionnelle. Selon cette interprétation, un tribunal fédéral ne pourrait en aucun cas ordonner une libération collective de personnes détenues par l’ICE, quelle que soit la nature des irrégularités constatées.
Pour Gil Soffer, analyste juridique auprès de la chaîne ABC7 citée par plusieurs médias, la situation place le tribunal au centre d’une « véritable contradiction juridique ».
« Le décret de consentement donne au juge des pouvoirs très larges pour imposer une mesure équitable, mais une loi fédérale limite strictement l’action des tribunaux dans les affaires d’immigration », a-t-il expliqué.
Une arrestation qui a choqué l’opinion locale
L’affaire a pris un tour plus visible avec la diffusion d’une vidéo montrant l’arrestation de Diana Patricia Santillana Galeano, éducatrice dans une garderie hispanophone de Chicago, le 5 novembre. Selon les images relayées par plusieurs médias américains, on y voit des agents de l’ICE masqués entrer rapidement dans l’établissement et l’en extraire sous les yeux d’enfants et de parents.
Le DHS a affirmé que la jeune femme avait tenté d’échapper à un contrôle routier et s’était réfugiée dans la garderie, une version contestée par ses avocats. Ces derniers ont déposé un recours en habeas corpus, soutenant que son arrestation sans mandat à l’intérieur d’un établissement éducatif enfreignait directement l’accord Castañón Nava.
Selon l’élu municipal Matt Martin, cité par différents médias américains, « des agents masqués ont suivi une éducatrice jusque dans une garderie, où se trouvaient des parents et des enfants », ce qui a provoqué une indignation immédiate dans le quartier.
Pour Mark Fleming, le cas de Santillana Galeano n’est pas isolé : « Plus nous examinons les dossiers, plus nous constatons que de nombreuses arrestations violent notre décret de consentement », a-t-il déclaré.
Une opération fédérale sous tension politique
Selon différents médias américains, l’agent Gregory Bovino, un responsable de la Border Patrol âgé de 55 ans, serait devenu la figure de terrain de l’opération migratoire dans le Midwest. Il aurait supervisé une partie des interventions controversées, notamment dans des quartiers urbains majoritairement démocrates.
Cette montée en puissance des forces fédérales d’immigration est perçue par certains observateurs comme un élément central de la stratégie de l’administration Trump visant à imposer une politique migratoire plus agressive, indépendamment de la volonté exprimée par les autorités locales.
Ces actions interviennent dans un climat de fortes tensions aux États-Unis autour des questions de profilage racial, de respect des droits constitutionnels et de la légitimité de certaines pratiques de répression migratoire. Les interpellations ont touché des personnes de tous âges, y compris des familles, des travailleurs en emploi régulier et des individus sans antécédents judiciaires.
Des conséquences encore incertaines
Les prochaines audiences devant le juge Cummings devront déterminer si une libération élargie des personnes concernées est légalement possible et si les violations présumées du décret de 2022 sont suffisamment graves pour justifier une intervention directe du tribunal.
Selon Mark Fleming, l’enjeu est aussi urgent que considérable : « Sans mesure provisoire, il ne restera plus personne. Nous risquons de découvrir des milliers de violations, mais aucune personne encore présente pour les faire valoir », a-t-il averti.
Le magistrat devrait rendre une décision sur les prochaines étapes dans les jours à venir, selon différents médias américains.




