De l’Ukraine à la Pologne : la guerre va-t-elle s’élargir en Europe ?

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Brockton (Massachusetts) – 14 Septembre 2025 – Par YVES CAJUSTE, InfoHaïti.net

Entretien avec le colonel (ret.) Michel W. Drapeau

La Pologne a dénoncé lundi la violation de son espace aérien par dix-neuf drones russes. L’armée de l’air a dépêché des chasseurs pour intercepter les engins, avec le soutien d’appareils alliés, illustrant la réactivité de l’OTAN sur son flanc oriental.
Cet incident survient alors que la Russie mène, avec la Béliorussie, ses manœuvres militaires « Zapad 2025 », de vastes exercices stratégiques mobilisant troupes, blindés et moyens aériens près des frontières orientales de l’Alliance.

Il s’inscrit aussi dans le contexte de la guerre en Ukraine, déclenchée en 2022 après l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014. Plusieurs capitales européennes ont exprimé leur solidarité avec Varsovie et appelé à une vigilance renforcée, alors que plane la crainte d’un élargissement du conflit au-delà du territoire ukrainien.

Pour un éclairage sur ces enjeux, nous avons recueilli l’analyse du colonel à la retraite Michel W. Drapeau, ancien officier supérieur des Forces armées canadiennes et professeur de droit à l’Université d’Ottawa. Après plus de trente ans de service, dont des responsabilités au Quartier général de la Défense nationale et une expérience au sein des structures de l’OTAN, Michel W. Drapeau s’est spécialisé en droit militaire et administratif. Son parcours lui confère une double perspective, opérationnelle et juridique, sur les crises de sécurité européenne.

Cet incident survient dans un contexte de guerre en Ukraine, déclenchée en 2022 après l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014. Plusieurs capitales européennes ont exprimé leur solidarité avec Varsovie et appelé à une vigilance renforcée, alors que plane la crainte d’un élargissement du conflit au-delà du territoire ukrainien.

Dans un entretien accordé à l’émission Camera Mosaïque sur MCTV, le colonel à la retraite Michel W. Drapeau, ancien officier supérieur des Forces armées canadiennes et professeur de droit à l’Université d’Ottawa, a livré son analyse sur l’incident du 8 septembre, marqué par la violation de l’espace aérien polonais par dix-neuf drones russes.

Pour l’expert, la pénétration des drones constitue un incident « sérieux », difficilement réductible à un simple détour accidentel. Il y voit un moyen pour Moscou d’évaluer la préparation des forces polonaises et, plus largement, la réactivité des alliés. L’OTAN, dit-il, a répondu dans des délais conformes à ses procédures, montrant que la surveillance et l’appui interalliés restent mobilisables à bref préavis sur le théâtre européen. La Pologne, qui dispose déjà de moyens aériens conséquents, s’appuie sur une architecture collective où renseignements, police du ciel et dispositifs de reconnaissance alliés complètent ses ressources nationales.

Le colonel rappelle que la Russie a souvent eu recours à des actions ambiguës – exercices militaires, déploiements déniés – avant d’avancer ses positions. Selon lui, l’incident illustre une volonté de tester la cohésion politique et la résilience militaire occidentales. Il met en garde contre la banalisation de tels signaux et appelle à des réponses claires, calibrées et collectives, afin de prévenir tout engrenage.

Sur le plan juridique, Drapeau évite de qualifier l’événement « d’acte de guerre », expression qui impliquerait des conséquences majeures. Il parle plutôt d’une « intrusion illégale » dans l’espace aérien d’un État souverain, appelant d’abord une réaction diplomatique ferme. Un signal politique de l’OTAN, assorti de mesures additionnelles, y compris économiques, apparaît selon lui nécessaire pour rappeler à Moscou que ces actions ne seront pas tolérées.

Concernant les obligations de l’Alliance, l’ancien officier distingue entre l’article 4, qui prévoit des consultations, et l’article 5, qui prévoit une réponse collective à une attaque armée. L’incident relève du premier cadre, mais concerne bien l’ensemble du territoire de l’OTAN. Les mécanismes internes de l’Alliance, déjà activés, consistent en une collecte d’informations, une analyse par les comités militaire et politique, puis la formulation d’options soumises aux gouvernements. Ces mesures permettent d’éviter des réactions improvisées tout en adressant à Moscou des signaux stratégiques clairs.

Pour le colonel Drapeau, l’incident polonais s’inscrit dans le prolongement de la guerre en Ukraine. Toute tension à la frontière orientale doit être lue à travers ce prisme. Il avertit que sous-réagir reviendrait à envoyer un signal de faiblesse, tandis qu’une réaction excessive comporterait le risque d’un malentendu. Il plaide donc pour une réponse proportionnée, collective et centrée sur la diplomatie.

La question technologique reste également centrale. L’usage croissant des drones et la menace cyber, selon lui, confirment la nécessité pour l’OTAN d’adapter en permanence ses doctrines et procédures. L’Alliance, dit-il, n’a pas attendu l’incident polonais pour travailler ces dossiers, mais celui-ci rappelle l’importance d’un investissement soutenu et d’exercices multinationaux.

Enfin, le colonel évoque la contribution canadienne. Membre fondateur de l’OTAN, le Canada maintient des effectifs en Europe de l’Est, fournit du matériel militaire à l’Ukraine et multiplie les efforts diplomatiques. La présence de plus de 2 000 soldats déployés en Lettonie illustre cette participation. Pour le colonel à la retraite Michel W. Drapeau, la ligne suivie par Ottawa se résume à « solidarité, dissuasion et prudence », une posture partagée par une opinion publique largement favorable au soutien de l’Ukraine.