Boston, 22 Novembre 2025, Par Julio Midy, InfoHaïti.net ) – La portée historique du 18 novembre 1803 — prélude à la proclamation de l’indépendance du 1er janvier 1804, qui a bouleversé l’ordre mondial — explique sans doute pourquoi le mot « Vertières » est longtemps resté absent des dictionnaires français, plus de deux siècles durant
Il aura fallu l’entrée à l’Académie française de l’écrivain haïtiano-canadien Dany Laferrière pour mettre fin à cette anomalie.
La victoire de l’armée indigène, forte d’environ 160 000 hommes menés par le général Jean-Jacques Dessalines, ancien esclave, sur l’armée napoléonienne — l’une des plus puissantes et mieux équipées de son époque, comptant alors près de 600 000 soldats — illustre parfaitement l’idée du philosophe allemand Emmanuel Kant : la logique, si puissante soit-elle, ne peut pas tout expliquer.
Comment une armée de va-nu-pieds a-t-elle pu vaincre la meilleure armée du monde ?
Rien ne résiste à la détermination lorsqu’elle est collective.
Emmenés par un général visionnaire, les soldats de l’armée insurrectionnelle ont risqué leur vie, le vendredi 18 novembre 1803, à Vertières, pour mettre fin à l’esclavage et créer la première nation noire libre du monde.
18 novembre 1979
Cent soixante-quinze ans plus tard, une « petite bataille de Vertières » s’est déroulée au Suriname, un dimanche matin ensoleillé, lors de la finale de la Coupe caribéenne des nations entre les sélections du Suriname — pays hôte — et d’Haïti.
Rien ne laissait présager un événement particulier, jusqu’à l’arrestation de l’entraîneur René Vertus, véritable « Dessalines » du jour, simplement parce qu’il avait voulu saluer le public.
Deslatour, entraîneur adjoint, a endossé le rôle de Gabart, tandis que Himmler Rébu, préparateur physique et militaire, a incarné un Capois-La-Mort moderne.
Au cri de « Grenadye Alaso », les Haïtiens ont remporté le match 1-0, grâce à un but de Carmin Vélima.
Le trophée a ensuite été remis aux champions à leur hôtel.
Là encore, le 18 novembre et Haïti ont refusé d’être associé à la défaite.
18 novembre 2025
Une date qui, sans bouleverser l’ordre mondial, a remis en question bien des certitudes du football international.
Depuis sa première participation à une Coupe du monde en 1974, Haïti n’avait jamais été aussi proche d’une deuxième qualification. Dès l’annonce du choix du Canada, des États-Unis et du Mexique comme pays hôtes du Mondial 2026, le peuple haïtien — pour qui le football tient lieu de religion — a commencé à espérer un retour dans l’élite mondiale.
La descente aux enfers du football haïtien est liée à l’instabilité politique qui secoue le pays depuis plus de vingt ans.
Souvent présenté comme le pays « le plus pauvre des Amériques », Haïti est pourtant une terre riche… en football.
Le 18 novembre 2025, Haïti n’a pas « dansé sa misère ».
Elle a dansé sa qualification au concert des nations dites civilisées, riches et développées — au prix de sacrifices presque inimaginables.
La qualification haïtienne pour la 23e Coupe du monde prouve encore une fois que la logique ne peut pas tout comprendre.
Restons dans le football :
- un pays sans championnat national depuis 2019 ;
- un sélectionneur qui n’a jamais mis les pieds en Haïti
- une sélection contrainte de jouer tous ses matchs « à domicile » à l’étranger ;
- un groupe de joueurs dont la majorité reste inconnue du grand public ;
- aucune académie nationale ;
- aucun stade répondant aux normes de la FIFA ;
bref, un pays où presque tout est à reconstruire pour rattraper le train du football moderne, devenu une industrie avant d’être un sport.
Et malgré cela, Haïti n’est pas pauvre en football : son passé et son présent le démontrent.
Un pays que ses fils et ses filles portent dans leur cœur, malgré la distance, les passeports étrangers ou la naissance hors du territoire.
C’est cette âme haïtienne — que la logique peine à saisir — qui place aujourd’hui Haïti parmi les nations qualifiées pour la prochaine Coupe du monde.
Plus que jamais, l’heure est venue de bâtir une seule Haïti, celle des Haïtiens du dedans et du dehors, pour le bonheur collectif.
Footballeurs haïtiens du monde entier : il n’est pas trop tard, et il ne le sera jamais, pour rejoindre la sélection nationale.
Que cette coalition, qui nous a menés à la Coupe du monde, ne s’éteigne pas.
Qu’elle se renforce, pour une Haïti à la hauteur des sacrifices de nos ancêtres.
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