Sunday, May 5, 2024
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Messi ou la luminosité absolue

Pour rendre compte des exploits de Messi, les uns les plus surprenants que les autres, et soutenir son rythme échevelé, il faudra inventer de nouveaux mots, voire une autre langue. Décrire et expliquer son jeu relève de la gageure. À noter que sur le seul match de mercredi soir à Barcelone où le Barça a pulvérisé le Bayer Leverkusen par 7 buts à 1 en 1/8e de finale retour, l’Argentin impose aux plumitifs la charge de transcrire et rendre en des termes plus ou moins précis des actions qu’il a menées à cent à l’heure et qu’on ne voit pas sur un terrain de football :

cinq buts personnels dont deux louches, deux frappes enveloppées au ras du sol, une espèce de coup franc mobile, selon la belle formule trouvée par Rudy Sanon, notre confrère de Radio Ibo, et un exercice de précision dans un angle impossible, il est vrai à partir d’un cadeau reçu du gardien.

Dans ces conditions, les deux buts marqués par le prometteur néophyte Tello, l’unique du Bayer marqué par Bellarabi, et le match lui-même, semblent devoir passer au second plan.  

Alors, choisissons son 3e but personnel. On ouvre ainsi une autre grande page de son livre qu’on pourrait titrer « l’Étonnement permanent ». C’est l’inédit au sens le plus propre du mot.

Le Bayer Leverkusen s’était mis à rêver de pouvoir attaquer Barcelone, fleur au fusil, six joueurs concernés par la manœuvre, alors que les quatre défenseurs laissent un fossé entre eux et les six partis tenter de marquer. Dans cette savane, juste en deçà de la ligne médiane, Fabregas reçoit une passe de Mascherano après que Piqué eut détourné un centre allemand au ras du sol. La flèche de contre-attaque est idéale pour l’archer Fabregas puisque Pedro, malgré sa position de hors-jeu, et Messi, s’intercalent au centre du quatuor défensif allemand. La passe de Fabregas et l’appel en diagonale de Messi, de l’axe vers la droite, se coordonnent comme le mouvement des trois aiguilles d’une montre de haute précision.

Dans son démarrage, Messi gagne un mètre sur Gonzalo, son garde du corps. En pleine course, il apprivoise le ballon  du coup du pied gauche, toc, comme un pongiste sur sa large raquette laisse rebondir la petite balle de cellulose avant de servir. Lui, il enchaîne par un contrôle du pied droit, tout en protégeant la sphère de son corps qui interdit au défenseur la moindre action licite.

Qu’importe ! Le défenseur s’accroche et oblige le héros du jour à continuer sa course sur sa droite, son supposé mauvais pied, de toute façon vers un angle de but réduit. Le gardien sent le danger, les deux hommes étant déjà à 10-12 mètres du premier poteau. Dans son esprit, soit Messi tire désespérément, et faiblement du droit au premier poteau, auquel cas sa parade ne sera pas trop difficile ; soit l’Argentin continue sa course, et alors il se jette aux pieds de l’attaquant et s’empare du ballon, avantagé par la réduction de l’angle et l’action défensive de Gonzalo.

 Messi décide, pour sa part, d’une action imprévisible : son ustensile offensif préféré, la louche, mais du pied droit, lui le gaucher, dans un angle fermé, coincé entre un défenseur teigneux et le gardien sur la tête et le bras tendu duquel le ballon, intouchable,  épure sa parabole et offre le frémissement orgasmique à la nasse.

Entre l’appel, la passe de Fabregas aussi, l’amorti et la louche, quoi choisir comme plus brillant ? Possible subjectivité. L’ensemble, en revanche, est d’une luminosité absolue. Le soleil et toutes les étoiles de l’Univers ont convergé pour éblouir le monde.

Patrice Dumont

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