Wednesday, May 1, 2024
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Dirigeants narcissiques et sous-développement en Haïti

Des idées pour le développement

Le mardi 30 octobre 2018, la nouvelle était tombée comme un couperet à la face du monde : Niels Högel, un ex-infirmier allemand de 41 ans confirmait avoir tué 100 patients entre 2000 et 2005. Il s’agit d’une affaire sans précédent dans l’Allemagne de l’après-Guerre. Autrement dit, Niels Högel était bien parti sur les traces de son tristement célèbre compatriote Adolf Hitler.


Le tribunal avait débuté le procès par une minute de silence à la mémoire des victimes avant de donner lecture de l’acte d’accusation. Puis, il a demandé à M. Högel si les faits qui lui sont reprochés étaient justes. « Oui », a-t-il répondu à une voix à peine audible. Le tribunal l’a alors interrogé sur la raison pour laquelle il a décidé de tout reconnaître. Sa réponse a été très simple : « En lisant les dossiers, les souvenirs me sont revenus et avec la thérapie (…) j’ai commencé à reconnaître l’ampleur.» Il a aussi fait part de « sa honte » d’avoir orchestré de tels actes funestes.

À côté de la justice réclamée par les familles des victimes, les scientifiques cherchent à comprendre le mobile de cette action sordide. Cette préoccupation a porté les juges à poser des questions permettant de retracer le profil psychologique de l’accusé. Ainsi, Niels Högel a apporté des éléments de réponse sur sa vie personnelle. Il affirme s’être régulièrement drogué aux analgésiques en vue de faire face aux exigences d’un service de soins intensifs qui manquait de bras.

« C’était le stress. Avec les médicaments, ça me paraissait plus facile », a-t-il indiqué en admettant qu’il aurait dû réaliser que « ce métier n’était pas fait pour lui», d’après ses propos reportés par le Journal de Montréal. En conséquence, durant cinq ans, à l’hôpital d’Oldenbourg et à l’hôpital de Delmenhorst, Niels Högel a injecté, volontairement, à des patients des médicaments pour provoquer un arrêt cardiaque avant de tenter de les ranimer, sans toujours y parvenir.

Niels Högel a été surpris en 2005 en train d’injecter une substance non prescrite à un patient à l’hôpital de Delmenhorst. Il a été condamné en 2008 à 7 ans de prison pour tentative de meurtre contre ce patient. Six ans plus tard, il a été reconnu coupable de meurtre et tentatives de meurtre sur cinq autres personnes et a été condamné à la prison à vie. Durant ce procès, il a avoué à son psychiatre qu’il avait tué au moins 30 autres personnes à Delmenhorst. Cet aveu avait poussé les enquêteurs à étendre leurs recherches à l’hôpital d’Oldenbourg où il avait également travaillé. Les autorités procédaient à plus de 134 exhumations dans ce centre hospitalier. Les enquêteurs ne pouvaient considérer ceux qui avaient été incinérés mais leurs travaux ont permis de révéler l’ampleur du crime à la face du monde.

Le procès concerne 100 victimes. Mais, selon les enquêteurs, il y aurait plus de 200 victimes. Le tribunal considère seulement le nombre de cas faciles à prouver excluant par exemple les nombreux patients qui ont été incinérés sans autopsie.

Pourquoi autant de meurtres? La réponse de l’assassin est simple : il recherchait, selon ses propres mots, de la satisfaction et des commentaires positifs qui lui revenaient quand il parvenait à réanimer un patient. L’expertise psychiatrique du meurtrier a révélé, entre autres, « des troubles narcissiques». Selon ses codétenus à la prison, Niels Högel manifeste une grande satisfaction d’être le plus grand criminel depuis la dernière Guerre en Allemagne. Il en est très fier !

Les symptômes du trouble narcissique

Le trouble de la personnalité narcissique est un trouble selon lequel un individu ressent un besoin excessif d’être admiré et un manque d’empathie. Étroitement lié à l’égocentrisme, il est dit d’une personne amoureuse de lui-même qui, selon la mythologie grecque, pourrait rester de longs jours à se contempler sans prendre le temps de se nourrir jusqu’à finir par se dépérir.

Le trouble de personnalité narcissique peut laisser paraître un certain bien-être chez le malade cachant cependant une grande souffrance. Les narcissiques sont des personnes qui se considèrent comme des personnes très importantes, grandioses et qui entretiennent de grands rêves. Ils se croient différents des autres, parfaits et tout-puissants. Leurs amis, les personnes qu’ils côtoient doivent également être des personnes exceptionnelles, du moins à leurs yeux. Ils ne prêtent guère d’importance aux droits d’autrui ainsi qu’à certaines normes sociales et valeurs morales. De plus, il leur arrive souvent de penser que les autres veulent les provoquer ou les contrarier. Contrairement à ce qu’ils peuvent laisser paraître, ils ont souvent des pensées négatives envers eux-mêmes, par exemple, ils croient n’être bons en rien et n’avoir aucune valeur.

Les personnes souffrant de trouble narcissique se considèrent comme invulnérables vis-à-vis du monde extérieur. Pourtant, leur manque d’estime de soi leur porte à se sentir enragées, vexées et furieuses au moindre échec. Elles sont angoissées à l’idée de perdre la face, c’est pourquoi elles veulent toujours se vanter et se surestiment. Elles ont honte et se sentent humiliées à la moindre critique. Elles projettent toujours un sentiment de puissance et d’assurance.

L’Association lavalloise de parents pour le bien-être mental (ALPABEM) dresse un bon portrait des gens soufrant de trouble narcissique (1). Ce sont des individus arrogants, voulant toujours avoir gain de cause, intolérants aux critiques, hautains, autosuffisants, vantant de grands projets, se mettant toujours en vedette, veulent des traitements de faveur et qui exagère leurs compétences, leurs réalisations et leurs réussites. Ils côtoient seulement les personnes qu’ils admirent. Quand leur estime de soi est attaquée, ces gens peuvent avoir des réactions très agressives, voire meurtrières.

Fort heureusement, les enfants ne sont pas nés narcissiques. Ils le deviennent parfois à la suite d’un échec marquant et précoce dans son développement. Ils peuvent aussi l’imiter de leurs parents incapables d’avoir un comportement emphatique envers d’autres personnes. Le narcissisme est également lié à une structure défensive de l’enfant en réaction à des abus ou des traumatismes. Des parents narcissiques peuvent transmettre aussi leurs comportements maladifs à leurs enfants. Cependant, ces derniers peuvent développer le narcissisme comme une forme de protection des critiques sévères, du rejet et de l’exclusion.

Il s’avère assez difficile de traiter le narcissisme puisque, très souvent, le patient se croit supérieure à son thérapeute. Il peut douter facilement de la crédibilité du thérapeute. Le malade, en cas d’échec, est très vulnérable à la dépression. Il estime toujours mériter plus de respect et de privilège que les autres.

Quel rapport avec le sous-développement d’Haïti ?

L’exemple de Niels Högel montre jusqu’à quel point les actes de l’individu narcissique peuvent être néfastes pour la collectivité. Il ne cherchait que de petits commentaires positifs pour sa propre petite personne. Le narcissique ne peut pas dépasser sa propre petite personnalité. Pour une petite gloire personnelle, il est prêt à tout. Niels Högel est heureux d’être l’Allemand le plus criminel après Adolf Hitler. Tout simplement.

Dans un pays comme Haïti où les institutions sont faibles, avoir un dirigeant narcissique est un passeport vers le sous-développement chronique. Ce type de dirigeant n’arrive pas à accepter la primauté de l’intérêt collectif. Il devient furieux à la moindre critique. Il court après la gloire personnelle même si celle-ci conduit à la ruine collective et donc à sa perte personnelle. Ce côté narcissique constitue un terreau fertile à l’instabilité politique en Haïti. Et les conséquences néfastes de l’instabilité politique sur le développement économique ne sont plus à démontrer.

Thomas Lalime

thomaslalime@yahoo.fr

 

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