Wednesday, May 1, 2024
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Le gouvernement Conille entre officiellement en scène aujourd’hui

Le président Martelly va donner l’investiture aujourd’hui à « son » premier ministre Gary Conille qui se chargera ensuite de procédera à son tour à l’installation des membres de son cabinet. Les cérémonies de ce mardi marqueront officiellement la fin de l’ère Préval avec le départ de l’équipe Bellerive qui gérait depuis trop longtemps pour certains « les affaires courantes ».

Elles marqueront également une nouvelle étape de la présidence de Joseph Michel Martelly avec l’entrée en scène d’un premier ministre  jeune, optimiste en l’avenir d’un pays qui vit de l’assistanat international. Vierge politiquement mais sans base politique à l’instar de Mme Michelle Duvivier Pierre-Louis, le plus jeune premier ministre haïtien (45 ans)  porte cependant  le lourd fardeau de son passé de technocrate onusien et d’ancien chef de cabinet de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU en Haïti, Bill Clinton dont la côte de popularité ne cesse de baisser. Ce n’est pas son franc-parler. L’humilité et  l’esprit d’ouverture dont il a fait  montre pendant ce long processus de ratification qui feront oublier sa casaque de fonctionnaire international qui d’ailleurs a failli lui obstruer la route qui mène à la primature.

Les défis qui attendent Garry Conille sont de taille. Politiquement, ses assises au parlement, particulièrement ne sont pas solides. Elles sont même fragiles particulièrement au sénat en dépit de toutes les promesses « en veux-tu, en voilà » pour calmer des parlementaires venus tout simplement troquer leur vote en échange de « mille je suis d’accord avec vous honorable sénateur/député » lancé à la fin de la présentation de leurs voluminuex cahiers de charge.

Toujours sur le plan politique, l’on est toujours à se demander si le médecin était,  juste avant sa désignation à cette fonction, le candidat de l’ancien musicien. Martelly a beau martelé, on ne sait combien de fois à chaque prise de parole, que Garry Conille est « Mon Premier Ministre » avec grand S, mais le doute persiste aujourd’hui encore. Le vice-président du Grand Corps, le sénateur Anacacis,  lors de la séance de ratification du choix de M. Conille ainsi que lors du débat autour de l’énoncé de sa politique générale, prévoyait déjà un divorce certain entre les deux têtes du pouvoir exécutif. «Le médecin lui a été imposé par la communauté internationale » avait fait savoir le sénateur de l’Ouest.

L’on se demande également si Garry Conille avec son tempérament «poze» (calme) et habitué aux structures assez huilées du « Palais de Verre » de New-York pourra gouverner  convenablement  i.e. occuper tout l’espace de pouvoir que lui garantit l’article 160 de la Constitution de 1987. Le président Martelly avec sa fougue quelque peu menaçante pour faire respecter « l’autorité de la présidence » va-t-il se retirer de la gestion quotidienne des actions gouvernementales pour jouer pleinement son rôle de «Chef de l’Etat » et , « veiller au respect et à l’exécution de la Constitution et à la stabilité des institutions ».

D’autre part, au sein même de l’équipe gouvernementale, les « super-ministres » amis du président (Thierry Mayard Paul et Laurent Lamothe) vont-ils respecter les règles du jeu au sein de l’équipe gouvernementale ou tout simplement recevoir leurs consignes du Palais National. Déjà, on peut parler d’un mauvais précédent. Alors que le Premier Ministre se faisait griller à la Chambre des Députés pendant plus de 14 heures, deux des membres de son cabinet (non encore ratifié) accompagnaient le président Martelly en république voisine.

Garry Conille pouvait-il souligner cette anomalie au chef de l’Etat ? Qu’est-ce qui se passerait si les députés avaient exigé la présence de ces deux amis du président dans l’enceinte du parlement au moment de la dernière phase des débats sur la déclaration de politique générale du Premier Ministre ?

Autant de questions que l’on est en droit de se poser sur le mariage assez difficile entre Conille et Martelly mais tout haïtien soucieux du devenir de cette nation espère fructueux.

Sur le plan instutionnel, il y a tout l’appareil d’Etat à reconstruire après les années Préval marquées par une politique de « laisser-faire ». Des réformes importantes sont plus que nécessaires pour rendre les employés de ce secteur plus performants. Haïti a d’excellents cadres dans l’administration publique mais les conditions de travail ne sont pas des meilleures. Il faut combattre la corruption et encourager l’excellence.

Dans la diplomatie, un coup de balai est plus que nécessaire au niveau de nos ambassades et consulats après une minutieuse évaluation des ressources humaines. Pourquoi finalement de pas donner une chance à nos jeunes diplômés formés en Haïti d’effectuer des stages à l’étranger dans nos missions diplomatiques et consulaires en intégrant par voie de concours la fonction publique. Il faut mettre fin à cette pratique de l’ère Préval qui consistait à négocier des postes diplomatiques en échange de vote au parlement. Les résultats de cette politique ne font pas du tout honneur à notre pays et aux communautés haïtiennes en diaspora. De nombreux « protégés » des hommes forts de l’ancien régime occupent des fonctions qui n’ont rien à voir avec leur qualification, si qualification ils en ont. Des vice-consuls, des agents consulaires (pour faire quoi excatement) on les rencontre dans presque tous nos consulats alors que des secteurs prioritaires comme l’investissement, le commerce, la culture (là je rêve un petit peu) n’ont aucun représentant.

Des atouts, le premier ministre en a beaucoup. D’abord, de nombreux secteurs de la vie nationale particulièrement les organisations de la société civile et même un secteur de l’opposition politique vont observer une longue période d’observation. Ensuite, le support sans faille de la communauté internationale, s’il est canalisé dans le sens des réelles priorités de l’heure (logements, éducation, infrastructures routières, agricoles et sanitaires, développement local …)  avec un fort dosage de participation du parlement et des groupes constitués de la société civile, peut apporter les capitaux nécessaires au financement des nombreux projets présentés dans son programme de gouvernement.  Finalement, Garry Conille doit rester à l’écoute de cette presse critique et très active qui ne lui fera aucun cadeau. Ses rapports avec ce secteur pourront lui être très utile en cas de désaccord ou de conflit avec la présidence.

L’économiste Jean-Yves Joseph se prononce sur les grands défis qui attendent le gouvernement de Garry Conille dans un entretien avec Julio Midy.

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