Monday, May 6, 2024
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Le CONATEL menace les médias de représailles

Quelle mouche a piqué le CONATEL ? Dans un communiqué en date du 8 avril 2014, le CONATEL, contre toute attente, brandit des menaces de sanctions contre des médias qui, selon l’organe d’assignation des fréquences, « en violation des dispositions du Code pénal et des lois et règlements des télécommunications, diffusent de manière systématique de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public, de déstabiliser les institutions de la République et de porter atteinte à l’intégrité de nombre de citoyens ».

Quelle mouche a piqué le CONATEL ? Dans un communiqué en date du 8 avril 2014, le CONATEL, contre toute attente, brandit des menaces de sanctions contre des médias qui, selon l’organe d’assignation des fréquences, « en violation des dispositions du Code pénal et des lois et règlements des télécommunications, diffusent de manière syOn croirait entendre une note du Ministère de l’Information d’avant le 7 février 1986…Nous rappelons au CONATEL en particulier et à l’opinion publique en général, que la liberté d’expression est une garantie issue de la Constitution du 29 mars 1987 à la jouissance de tous les citoyens qui ont le droit de s’exprimer en toute matière… (Article 28).

A quoi le CONATEL veut-il faire allusion exactement ? L’opinion publique a-t-elle la sensation que l’ensemble des médias véhiculent de mauvaises nouvelles ? Il est certain que le Code Pénal haïtien prévoit les voies de recours de citoyens qui seraient victimes de délit de presse. Mais le CONATEL est-il l’instance qui définit quand il y a eu ou pas délit de presse ? N’est-ce pas aux tribunaux compétents de déterminer la manifestation d’un délit ? Entre-t-il dans les attributions du CONATEL de s’octroyer la qualité de juge pour qualifier un délit ?

Il est évident que nous nous trouvons devant un cas de dérapage de l’organe de régulation qui fait une généralisation inappropriée quant à la façon dont les médias remplissent leur rôle. Et brandir des sanctions contre les médias en rappelant des dispositions d’une loi de la période de dictature contraire, pour l’essentiel et à la lettre et à l’esprit de la Constitution de 1987, est tout à fait anachronique et inappropriée. La Constitution en vigueur, en son article 297 stipule et nous citons : «  Toutes les Lois, tous les Décrets-Lois, tous les Décrets restreignant arbitrairement les droits et libertés fondamentales des citoyens sont et demeurent abrogés ».

Dans sa précipitation à menacer les médias, le CONATEL a évoqué des sanctions au titre de l’article 109 du Décret du 12 octobre 1977 qui ne concerne que la radio- amateur qui est une catégorie bien spécifique. Ce communiqué du Conatel dit de « Rappel à l’ordre aux stations de radiodiffusion » est de mauvaise inspiration et vient jeter inutilement la confusion quant à la volonté du régime en place de créer des situations de tensions inutiles entre le pouvoir et les médias. Nous sommes au XXIème siècle et les libertés publiques garanties par la Constitution de 1987 sont irréversibles.

Les médias ont pour rôle d’informer la population, de favoriser des débats d’idée pour promouvoir une culture de tolérance et de pluralité d’idées, en respectant l’éthique et les règles du jeu. Chaque organe de presse a pour obligation de faire son travail avec un souci constant de professionnalisme, pour mériter le respect de l’opinion publique et la considération de la société en général. Dans une société de droit, tout citoyen, toute citoyenne, toute personne physique ou morale est redevable devant la justice, dans la transparence. En cas de dérives, l’arsenal législatif offre les voies de recours pour faire droit aux personnes lésées. Mais les cas doivent être bien documentés pour éviter toute suspicion légitime de règlements de comptes avec des organes de presse ciblés comme non favorables au pouvoir.

On n’est plus aujourd’hui en Haïti au temps des menaces et des chantages du pouvoir pour que la presse ne puisse traiter en toute liberté tout sujet qu’elle juge opportun, ou analyser de manière tout à fait libre des faits de l’actualité concernant des personnalités publiques ou privées . On n’est pas non plus en temps de guerre où l’autocensure est de mise quant à une catégorie d’information. Le pouvoir et les autorités quelles qu’elles soient ne sauraient prétendre, aujourd’hui, sous le règne des technologies de l’information et de la communication, se cacher derrière le paravent du « trouble à l’ordre public » et celui de la « sécurité nationale » pour empêcher les médias de jouer pleinement leur rôle d’informer. Ces expressions enrobées véhiculent trop de mauvais souvenirs, trop de traumatismes d’une autre période…

Il est grand temps que le Parlement, en consultation avec les associations de médias avec la participation souhaitable d’instances qualifiées de l’Exécutif, vote une nouvelle Loi sur les communications qui tienne compte de l’évolution de notre société, pour retirer des mains d’autorités rétrogrades, un dispositif légal arbitraire, legs de la période de dictature et d’étouffement de la liberté d’expression.

 

9 avril 2014

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