Thursday, May 9, 2024
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Gabriel Attal (24 ans), un nouveau premier ministre pour relancer le quinquennat

Paris (Agence France  Presse ) – Après 24 heures d’inhabituelles tergiversations, le président français Emmanuel Macron a finalement arrêté mardi son choix sur Gabriel Attal pour succéder à la première ministre Élisabeth Borne. Malgré l’opposition de plusieurs piliers de la macronie, c’est donc l’actuel ministre de l’Éducation, en poste depuis six mois à peine, qui succédera à celle qu’on avait surnommée « Madame 49.3 » pour avoir recouru à 23 reprises à cette procédure expéditive qui permet de contourner le vote de l’Assemblée nationale faute de majorité parlementaire.

À 34 ans, cette étoile montante de la politique issue du Parti socialiste, avant de devenir dès 2016 un des premiers fidèles d’Emmanuel Macron, devient le plus jeune premier ministre de la Ve République. Un titre détenu jusque-là par Laurent Fabius nommé à 37 ans par François Mitterrand en 1984.

Malgré sa faible expérience parlementaire et qu’il n’ait dirigé aucun ministère régalien, il était devenu depuis peu le ministre le plus populaire du gouvernement. Nommé à l’Éducation il y a six mois à peine, Gabriel Attal s’était fait remarquer en interdisant, à l’approbation générale, le port à l’école de l’abaya, une tenue traditionnelle musulmane. En faveur d’une restauration de l’autorité des enseignants, il avait évoqué le retour de l’uniforme et souhaité contrer le harcèlement scolaire grâce à des « cours d’empathie ».

Dans un froid jugé polaire par les Parisiens (– 2°), le nouveau premier ministre s’est adressé en tremblotant des mains à « ces Français [de la classe moyenne] qui parfois ne s’y retrouvent plus ». Il a dit voir dans la nomination du premier ministre le plus jeune de la Ve République le « symbole de l’audace et du mouvement ». L’ancien ministre de l’Éducation dit aussi emmener avec lui « l’école comme mère de mes batailles. […] Dire la vérité. Agir sans attendre, voilà ce que sera mon action en tant que premier ministre. »
Un politique

Contrairement à l’ancienne préfète Élisabeth Borne dont le profil a toujours été celui d’une technocrate, Attal a une personnalité beaucoup plus politique. Véritable surdoué de la communication, il a effectué un parcours sans faute depuis ses études à la chic École alsacienne de Paris, son passage à Science Po et ses années de militantisme au Parti socialiste. Il fait ses premiers pas en politique dans le cabinet de la ministre socialiste de la Santé Marisol Touraine avant de devenir porte-parole du gouvernement lors du premier mandat d’Emmanuel Macron, puis ministre délégué chargé des Comptes publics.

Venu de la gauche, mais séduisant pour une partie de la droite, il apparaît comme le choix personnel du président pour conduire la politique de ce dernier mandat. Une politique qu’Emmanuel Macron dit vouloir placer sous le signe du « réarmement ». Mais ce choix ne va pas sans opposition au sein même du gouvernement, comme le laissent penser les longues heures de conciliabules qui ont retardé cette nomination.

Dans les coulisses de l’Élysée, on ne cache pas que des ministres aussi influents que Bruno Le Maire (Économie) et Gérald Darmanin (Intérieur) ainsi que les présidents de partis de la majorité comme François Bayrou (Modem) et Édouard Philippe (Horizons) ne prisent pas l’arrivée dans le jeu politique de ce nouveau venu. Surtout à trois ans des présidentielles alors qu’Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter.
Un choix tactique

Dans l’immédiat, les observateurs voient surtout dans cette nomination un choix tactique destiné à combattre, à cinq mois des élections européennes, l’ascension fulgurante de cette autre étoile montante de la politique, Jordan Bardella, président du Rassemblement national et tête de liste aux élections européennes. À 28 ans seulement, ce fils d’immigrants issu des banlieues pauvres de la capitale est en tête de tous les sondages et demeure la seule personnalité politique à se hisser dans le classement des 50 personnalités les plus populaires de France du Journal du dimanche, loin devant Gabriel Attal.

Selon Bardella, « en nommant Gabriel Attal à Matignon, Emmanuel Macron veut se raccrocher à sa popularité sondagière pour atténuer la douleur d’une interminable fin de règne. Il risque plutôt d’emporter dans sa chute l’éphémère ministre de l’Éducation nationale… »

À l’autre bout du spectre politique le leader de la gauche radicale (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a ironisé : « Attal retrouve son poste de porte-parole. La fonction de premier ministre disparaît. Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour. Malheur aux peuples dont les princes sont des enfants. »

Doué d’une « grande plasticité politique » selon l’éditorialiste politique de BFM-TV Benjamin Duhamel, Gabriel Attal pourrait apparaître comme un sosie politique d’Emmanuel Macron. « Emmanuel Macron se succède à lui-même », a d’ailleurs ironisé le socialiste Olivier Faure. À l’Éducation, « il a acquis sa popularité en parlant comme le RN », estimait de son côté le député RN Laurent Jacobelli.
Victime de l’immigration

En poste depuis la réélection d’Emmanuel Macron en avril 2022, Élisabeth Borne n’aura finalement pas survécu aux récents déboires parlementaires qui ont secoué le gouvernement lors de l’adoption de la loi sur l’immigration. « Il me faut présenter ma démission », a pris soin de préciser la première ministre dans sa lettre. Une manière de souligner, en empruntant ses mots à Michel Rocard, qu’elle quitte Matignon à contrecoeur comme ce dernier.

Pendant ses 19 mois au pouvoir, la seconde femme à diriger un gouvernement de la Ve République n’aura pas eu beaucoup de répits. Alors qu’elle n’était que le second choix du président, elle aura traversé la crise de la réforme des retraites pour finalement épuiser son capital politique dans le tumultueux débat sur l’immigration. Un épisode qui, à cause d’une assemblée sans majorité ni coalition, a mené à l’adoption d’une loi beaucoup plus sévère à l’égard de l’immigration illégale que ne le souhaitait Emmanuel Macron.

En l’absence de cette majorité parlementaire, certains s’attendaient à la nomination d’une personnalité de droite plus rassembleuse, comme le ministre de la Défense Sébastien Lecornu. Élu député en 2017, Gabriel Attal a plus fréquenté les cabinets ministériels que les bancs de l’Assemblée. Saura-t-il nouer des alliances là où Élisabeth Borne a souvent échoué ?

Parmi les premiers à réagir à cette nomination, les syndicats d’enseignants ont déploré la nomination qu’un quatrième ministre de l’Éducation en moins de deux ans. Soucieux de montrer qu’il est au travail, dans l’après-midi, le nouveau premier ministre était déjà dans le Pas-de-Calais où ont eu lieu des inondations. On ne connaîtra la composition du gouvernement que dans les prochains jours. « En propulsant Gabriel Attal à Matignon, Emmanuel Macron a osé le pari de la jeunesse en donnant à la France le plus jeune chef de gouvernement qu’elle ait connu, écrit Le Figaro. La jeunesse ne fait cependant pas un programme. ». Chose certaine, Emmanuel Macron vient d’adouber un nouveau candidat potentiel à sa succession en 2027.

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