Entretien avec Professeure Laurie Beaudonnet de l’Université de Montreal
Brockton (Massachusetts) – Par YVES CAJUSTE – Dimanche juin prochain, 360 millions de citoyens de 27 États membres de l’Union européenne se rendent aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement européen à Strasbourg. Ce rituel démocratique, organisé tous les cinq ans, se traduira cette fois par un Parlement légèrement plus grand, passant de 705 à 720 députés européens.
Ces élections sont particulières car, contrairement à de nombreux organes législatifs dans le monde, le Parlement européen n’organise pas ses membres par pays. Au lieu de cela, les députés européens s’alignent au sein de sept groupes politiques transnationaux, chacun reflétant une large tendance politique.
La campagne électorale a été intense et reflète profondément les nombreux problèmes urgents auxquels le continent est confronté. L’un des sujets les plus débattus est l’immigration. Alors que les frontières extérieures de l’UE sont soumises à une pression constante et aux réponses variées des États membres, les politiques en matière d’asile, de contrôle des frontières et d’intégration sont devenues des thèmes centraux. En outre, la politique agricole commune, pierre angulaire du soutien économique de l’UE, a suscité des discussions vigoureuses sur la durabilité, l’allocation des subventions et le développement rural. Ce dernier sujet a notamment fait débat au début de l’année avec la révolte en France et dans d’autres pays européens des agriculteurs opposés à des normes trop strictes imposées par Bruxelles alors qu’ils faisaient face a la concurrence déloyale des produits agricoles importés.
La politique énergétique a également occupé le devant de la scène en particulier alors que l’Europe s’efforce de passer à des sources d’énergie plus vertes dans le contexte de la crise climatique mondiale. Les débats se sont concentrés sur l’avenir du marché européen de l’énergie, l’élimination progressive des combustibles fossiles et l’investissement dans les infrastructures d’énergies renouvelables. Dans le même temps, le discours sur les accords de libre-échange avec les pays non européens a été important (Canada, Amérique latine, Australie ..) ont mis en lumière les préoccupations concernant la compétitivité économique, les normes du travail et la protection de l’environnement.
Une autre question cruciale a dominé la campagne est celle de la défense européenne, en particulier dans le contexte de tensions géopolitiques croissantes. La guerre en cours en Ukraine a souligné la nécessité d’une stratégie de défense européenne commune cohérente et robuste. La situation au Moyen-Orient, en particulier à la suite de l’attaque terroriste du 7 octobre et de la réponse musclée de l’armée israélienne à Gaza, a également accru les préoccupations en matière de sécurité et influencé les débats sur la politique étrangère et la coopération militaire.
Au niveau national, les élections reflètent la dynamique politique interne de chaque État membre. En France, le gouvernement du président Emmanuel Macron se heurte à une forte opposition de la part des partis d’extrême droite et de gauche. L’avance de Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national, sur Valérie Hayer, tête de la majorité, signale un potentiel changement de dynamique politique. Un succès de Bardella enhardirait le Rassemblement national d’extrême droite, défiant le gouvernement du président Emmanuel Macron et modifiant éventuellement l’équilibre législatif lors des futures élections nationales. En Allemagne, la coalition dirigée par le chancelier Olaf Scholz fait face à une opposition conservatrice renaissante.
De même, en Pologne et en Hongrie, les gouvernements dirigés respectivement par le Parti Droit et Justice et le Fidesz se heurtent à une forte résistance de la part des forces pro-européennes et démocratiques. Dans des pays comme le Portugal, l’Italie et l’Espagne, les élections sont tout aussi féroces, les partis d’opposition cherchant à capitaliser sur tout mécontentement à l’égard des gouvernements au pouvoir.
Les élections européennes de dimanche prochain ne consistent pas seulement à choisir des représentants ; il s’agit aussi de déterminer la réponse collective aux innombrables défis auxquels l’Europe est confrontée. Que ce soit par le biais d’approches unifiées ou divisées, le vote des électeurs européens dimanche prochain influencera profondément l’avenir du continent, incarnant à la fois l’unité et la diversité qui définissent le projet européen.
Pour analyser les elections europeenes de dimanche prochain, notre invitée est Laurie Beaudonnet (PhD) de l’Institut universitaire européen) et professeure agrégée de politique européenne à l’Université de Montréal (Département de science politique).
Les recherches de la professeure Beaudonnet portent sur les attitudes politiques, les élections et l’opinion publique dans l’Union européenne, à l’aide de méthodes quantitatives et qualitatives.
Elle est également directrice scientifique du Centre Jean Monnet de Montréal. Elle a été titulaire de EuroScope de 2015 à 2019 et elle a dirigé le Réseau transatlantique sur l’Europe politique (RESTEP), un réseau de recherche transatlantique sur les processus de politisation dans l’UE de 2017 à 2021.