Saturday, April 27, 2024
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Un accord sur la «transition» hors des énergies fossiles à la COP28

Dubaï, Émirats arabes unis (Agence France Presse )– Au moment où l’humanité vit l’année la plus chaude de son histoire, les pays réunis à la conférence climatique des Nations unies (COP28) sont finalement parvenus à s’entendre pour inscrire pour la première fois l’objectif d’une « transition » hors de toutes les énergies fossiles. Un pas en avant salué par plusieurs, mais qui est pour le moment nettement insuffisant pour éviter le pire de ce que nous prédit la science.

Au terme d’un marathon de négociations qui s’est poursuivi au-delà de la fin prévue pour cette COP28, les pays réunis à Dubaï, aux Émirats arabes unis, ont accepté le texte soumis par le président de la conférence, Sultan Al Jaber, pour dénouer l’impasse sur l’enjeu crucial de l’inscription des énergies fossiles dans le texte final.

Le document, qui doit normalement servir de feuille de route internationale pour lutter contre la crise climatique, souligne ainsi « la nécessité d’une réduction forte, rapide et soutenue des émissions de gaz à effet de serre », de façon à maintenir en vie l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris, soit limiter le réchauffement à un maximum de 1,5 °C », par rapport à l’ère préindustrielle.

Pour y parvenir, le texte laisse aux États le soin de décider de la marche à suivre selon leurs contextes nationaux, mais il précise le besoin de tripler la production d’énergies renouvelables à l’échelle mondiale, de réduire l’utilisation du charbon et surtout, de « transitionner hors des énergies fossiles ». C’est la première fois qu’un texte adopté à une COP mentionne donc explicitement le besoin de réduire concrètement notre dépendance au pétrole, au gaz et au charbon.

Cette transition, précise-t-on dans le document, doit cependant se faire « d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ». La transition d’une « manière juste, ordonnée et équitable » signifie le respect d’un rythme différent selon les pays, leurs besoins de développement et leur responsabilité historique dans le réchauffement climatique.

Le texte qui a été adopté au consensus à la fin de la COP28 n’est pas contraignant. Néanmoins, le vocabulaire qui est inscrit dans le document est chaudement débattu à chaque conférence climatique des Nations unies. Sultan Al Jaber a donc proposé un compromis entre une « sortie » des énergies fossiles réclamée par plusieurs États, des scientifiques et les écologistes, et l’absence pure et simple de mention de ces énergies, qui était souhaitée par des pays producteurs de pétrole, dont l’Arabie saoudite.

Décision « historique »
À la suite de son adoption mercredi matin, à Dubaï, le président de la COP28 a salué une décision « historique pour accélérer l’action climatique ».

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a pour sa part insisté sur le fait que cette entente doit envoyer un message clair aux pays et aux entreprises qui tirent toujours d’énormes bénéfices de l’exploitation des énergies qui alimentent la crise climatique.

« Je tiens à dire que la sortie des combustibles fossiles est inévitable, qu’ils le veuillent ou non. Espérons qu’elle n’arrive pas trop tard », a-t-il souligné en s’adressant à « ceux qui se sont opposés à une référence claire » sur cette notion d’élimination dans le texte de la COP28. « Le monde ne peut se permettre des retards, de l’indécision ou des demi-mesures », a aussi insisté M. Guterres.

Selon un rapport publié tout juste avant la COP28 par l’Agence internationale de l’énergie, en plus d’éliminer le toujours très utilisé charbon (neuf milliards de tonnes en 2022), il faudrait réduire d’au moins 75 % le recours au pétrole et au gaz d’ici 25 ans pour espérer limiter le réchauffement au seuil viable de 1,5 °C.

Dans ce contexte, l’Union européenne a souligné l’inscription de la volonté de tripler la production d’énergies renouvelables dans le monde d’ici la fin de la décennie, une avenue cruciale pour réduire la dépendance aux sources d’énergie qui émettent la forte majorité des émissions de gaz à effet de serre produites par l’activité humaine et qui représentent toujours plus de 80 % de notre consommation énergétique.

Éviter l’échec
Le ministre canadien de l’Environnement, Steven Guilbeault, a insisté sur les avancées dans cette nouvelle entente, qui intervient huit ans après la signature de l’Accord de Paris. « Le texte contient des engagements décisifs en matière d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique et de transition vers l’abandon des combustibles fossiles », a-t-il précisé.

« Le texte n’est pas parfait, aucun texte des Nations unies ne l’est. Mais, en tant que personne travaillant dans ce domaine depuis près de 30 ans, je vois une vision autour de laquelle nous pouvons nous rallier pour garder 1,5 °C à portée de main et protéger les personnes et les écosystèmes », a-t-il ajouté.

Pour le moment, les pays se réunissent dans le cadre des COP avaient seulement réussi à inscrire dans leur déclaration finale l’idée d’une « réduction » de l’utilisation du charbon sans mécanisme de capture du carbone. Cette inscription était dans la déclaration de la COP26, en 2021. En 2022, des pays producteurs d’énergies fossiles ont réussi à bloquer l’idée d’étendre ce langage très peu contraignant au pétrole et au gaz.

L’émissaire américain pour le climat, John Kerry, a aussi salué la conclusion d’une entente, lui qui avait appelé à plusieurs reprises les pays à éviter un échec au cours des derniers jours. « C’est la dernière COP où nous aurons la chance d’être capable de maintenir en vie le 1,5 °C », avait-il d’ailleurs soutenu lundi.

Réchauffement

Les engagements actuels des États, s’ils sont pleinement respectés, conduiraient cependant à une réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre de 5,3 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2019. Or, pour espérer se donner une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C, le recul devrait atteindre au moins 43 % d’ici la fin de la décennie. Pour le moment, la trajectoire climatique planétaire pourrait nous conduire à un réchauffement de près de 3 °C d’ici 2100. D’ici la fin du siècle, le monde tel qu’on le connaît deviendrait carrément « méconnaissable », selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Dans ce contexte, l’alliance des petits États insulaires, particulièrement menacés par le changement climatique, a exprimé ses réserves et ses inquiétudes après l’adoption du texte, qu’elle juge insuffisant. « Nous avons fait un pas en avant par rapport au statu quo, mais c’est d’un changement exponentiel dont nous avions vraiment besoin », a déclaré Anne Rasmussen, représentante des îles Samoa, applaudie après cette déclaration par des représentants européens et d’autres nations lors de la dernière séance plénière.

« Alors que les communautés du monde entier sont déjà confrontées aux conséquences déchirantes de la convergence des crises climatique et de la dette, le Canada et les autres pays riches doivent assumer leurs responsabilités et accroître drastiquement leur financement pour l’adaptation et des pertes et dommages », a aussi fait valoir la directrice générale du Réseau action climat Canada, Caroline Brouillette.

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