Saturday, April 20, 2024
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Rôle du Gouvernement canadien en Ayiti

Par Chantal Ismé  – Aujourd’hui, le Core Group sous la houlette du Canada, entre autres, souhaite répondre à une demande inconstitutionnelle, illégale d’un gouvernement illégitime, décrié par le peuple Ayitien, pour venir contrer l’insécurité et résoudre la crise humanitaire qui s’en suit.

Cette intervention a été faite dans le cadre d’un webinaire réalisé le 16 novembre 2022 par le Réseau de recherche sur les États fragiles (du CÉPI) et le Centre de recherche interdisciplinaire et de valorisation des savoirs en Haïti, à l’Université d’Ottawa. Elle interroge le rôle du gouvernement canadien en Ayiti dans un contexte national Ayitien qui se caractérise par une crise multiforme, multidimensionnelle et structurelle. Il s’agit d’une situation délétère marquée par le sceau de la résistance populaire notamment des groupes organisés dénonçant la corruption, la détérioration des droits et des conditions de vie, réclamant le départ du gouvernent fantoche actuel maintenu au pouvoir par l’appui inconditionnel du Core Group composé de l’ONU, l’Union européenne, les États-Unis, le Canada, la France, l’Espagne et l’Allemagne.

Cette situation se déroule sur fond d’insécurité sévissant sur l’ensemble du territoire national par la montée des gangs, jeunes sans espoir armés par les oligarques et des membres du pouvoir. Fédérés sous le label G9, ces gangs armés contrôlent non seulement la mobilité sur le territoire, isolant des départements en entier, mais aussi déterminent la tenue ou non des activités économiques et sociales : par exemple, des millions d’enfants et de jeunes ne fréquentent pas l’école depuis presque un an.

Les conditions socio-économiques sont catastrophiques. Malgré un timide éclairci par la libération du Terminal de Varreux, le plus grand centre de stockage de carburant au pays, le prix du carburant à la pompe empêche la grande majorité de la population de s’en procurer. Il faut comprendre aussi que le prix de l’essence se répercute sur les différents secteurs de la vie nationale et a des incidences sur le coût et la qualité de la vie.

La détérioration des conditions socio-économiques en Ayiti a des incidences graves sur l’intégrité physique, psychologique et économique de la population. Elle affecte en particulier la vie des femmes: insécurité rampante induisant le viol, séquestration et graves contraintes en matière de mobilité. La violence générée par les gangs a provoqué plus de 96 000 déplacé.es entre les mois de juillet et aout 2022 (OIM). Ces déplacements ont des impacts considérables sur la vie des familles et particulièrement des femmes. Les gens se déplacent du fait des problèmes dans les quartiers, brisant les repères et les soupapes de solidarité.

Une réapparition du choléra, maladie non endémique en Ayiti apportée par la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haiti (MINUSTAH), à cause des conditions sanitaires qui s’empirent à la suite des problèmes de mobilité et de la crise du carburant.

Des interventions directes dans les affaires internes

Aujourd’hui, le Core Group sous la houlette du Canada, entre autres, souhaite répondre à une demande inconstitutionnelle, illégale d’un gouvernement illégitime, décrié par le peuple Ayitien, pour venir contrer l’insécurité et résoudre la crise humanitaire qui s’en suit. Il va sans dire qu’Ayiti fait face actuellement à une des pires crises affectant toutes les sphères de la société. Mais cette crise n’est pas nouvelle et est la conséquence de politiques imposées au peuple Ayitien, dont les

politiques d’ajustement structurel, par le biais de laquais locaux tant des secteurs politiques que du secteur privé, qui effondrent l’économie Ayitienne. Pour preuve, la récente et criminelle mesure du gouvernement d’Ariel Henry d’augmenter de 128 % le prix du carburant à la demande du FMI, appuyé par le Core Group, sur un peuple déjà en détresse.

Sur cette question d’occupation, rappelons que le peuple Ayitien vit historiquement les conséquences désastreuses des multiples interventions depuis l’invasion européenne sur cette terre en 1492. Les raisons inavouées de ces envahissements ont toujours été occultées derrière de soi-disant velléités de venir aider Ayiti, d’apporter la civilisation ou de rétablir la paix.

Pendant plus de 20 ans, les Forces armées canadiennes (FAC) et des forces policières comme la GRC (Gendarmerie royale du Canada) ont fait partie des Casques bleus des différentes missions de l’ONU en Haïti, de la MINUHA 1993 à la BINUH 2019. Cette dernière force, entre autres, pour «…renforcer la stabilité…» au pays jusqu’en 2022 avait pour mandat « appui à bonne gouvernance, stabilité, professionnalisation de la police, réduction de la violence communautaire et de la violence des gangs ». Ce mandat a été actualisé et sera en vigueur jusqu’en juillet 2023. (Mandat, Mandat actualisé). Toutes ces missions dites de stabilisation et de maintien de la paix ont été non concluantes, ne donnant aucun résultat au regard de leurs propres objectifs et de surcroît n’ont apporté que souffrance pour la population tout en accroissant sa vulnérabilité : viols, enfants sans père, prostitution. Ceux qui ont perpétré ces crimes n’ont jamais été interpellés, voire jugés.

Entretemps, pour ajouter à cette crise, la République dominicaine dans le cadre d’une politique xénophobe et raciste refoule des milliers d’Aytien.ne.s à la frontière dans des conditions infrahumaines, révoltantes, sans aucun respect de leurs droits élémentaires et des traités internationaux signés par les deux pays.

Le Canada de son côté a pris des sanctions contre d’anciens dignitaires de l’état : un ex-président et deux ex Premiers ministres. Ces personnes ont été soutenues pendant des années par le Canada alors qu’elles étaient décriées et dénoncées par le peuple Ayitien. De plus, ellesne possèdent pas d’avoirs sur le territoire canadien.

Le peuple haïtien, malgré toutes ces situations extrêmes, est en lutte, se retrouve dans les rues, dénonçant toutes formes d’invasion ou d’occupation, demandant le départ du gouvernement de facto, s’organisant face au silence coupable du gouvernement actuel, prenant leur destin en main, fermant des pans de la frontière aux produits dominicains en représailles à ces actes barbares, rappelant les génocides du passé, etc. La société civile, les partis de gauche comme de droite, les organisations populaires se réunissant à l’intérieur de l’Accord de Montana proposent des axes programmatiques pour une solution Aytienne à la crise, perfectibles certes. Ces axes reposent sur la nécessité de réaliser une transition de rupture avec les mauvaises pratiques de gouvernance, l’impunité, la tenue d’une conférence nationale pour resouder le tissu social et in fine des élections libres et démocratiques.

En ce sens, le gouvernement canadien est invité à surseoir sur toute vélléité d’invasion peu importe sa forme, d’arrêter de soutenir le gouvernement illégal d’Ariel Henry, d’appuyer une solution Ayitienne à la crise, d’apporter un soutien technique et matériel à la police nationale, de respecter la souveraineté et la dignité du peuple Ayitien en évitant de s’immiscer dans ses affaires.

Chantal Ismé (Article publié sur le site du Centre d’Etudes en Politiques Internationales (CEPI) de l’Université d’Ottawa)

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