Saturday, April 20, 2024
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Pèlerinage diplomatique pour une compréhension et la défense des migrants haïtiens dans toute l’Amérique

 

Avertissement
Ce rapport devrait englober la situation des migrants haïtiens vue par les représentations diplomatiques des pays concernés. Mais de ceux-ci, la République Dominicaine, les Îles Turks et Caïcos (territoire d’outre-mer anglais), le Panama et le Canada n’y sont pas compris. Explication :

– l’endémie des problèmes migratoires avec la République Dominicaine ne l’inscrit pas dans la crise actuelle.

– Ensuite, malgré leur accueil chaleureux, les Chargées d’Affaires britanniques Caroline Rowett et Fiona Morisson, fraîchement nommées en Haïti, n’ont pas encore pris connaissance des éventuels problèmes de migration haïtienne dans l’archipel anglais du Nord d’Haïti.

– Concernant le Canada, ni un courriel du service du protocole du Sénat ni de nombreux appels téléphoniques pour une rencontre avec l’Ambassadeur n’ont reçu de réponse.

– Quant au Panama, l’Ambassadeure Xiomara Perez Rodriguez avait convenu de répondre par courriel aux questions préoccupantes pour la partie haïtienne. Elles lui ont été envoyées, mais pas de réponses. À la veille des jours de la Toussaint, il est fort possible que l’Ambassade du Panama, comme tant d’autres institutions, ait travaillé au ralenti.

Tout compte fait, cette quadruple  infirmité est assumée.

Introduction

Pour une compréhension et une défense des migrants haïtiens de la vague post séisme 2010 dans toute l’Amérique, du 6 octobre au 2 novembre le Sénateur Patrice Dumont s’est entretenu, dans leur ambassade respective, avec les Ambassadeurs du Chili Patricio Utreras, du Mexique Luis Alvarado, des États-Unis la Chargée d’Affaires Robin Diallo, des Bahamas Michael Guy; du Brésil, Fernando Vidal au salon diplomatique du Sénat et, de la France (pour la Guyane), Elisabeth Beton en la Résidence de l’Ambassadeur.

Cette démarche permet de s’enrichir des vues des étrangers sur la question migratoire haïtienne et sur Haïti tout entier. À y réfléchir, on finit par avoir une certaine idée de l’étendue du problème. La société voit et  parle des lignes interminables de jeunes hommes et jeunes femmes durant toute la journée et souvent la nuit, devant les ambassades du Brésil et du Chili, sans compter le classique cas des États-Unis. Les jeunes qui dorment au parking de l’aéroport et une affluence énorme aux comptoirs n’arrêtent pas d’émouvoir. Les mésaventures de toutes sortes sur les routes de l’exode : trafic humain, esclavage sexuel, marchandage de passeurs, disparition, décès, finissent par rendre pertinente l’hypothèse d’une véritable crise humanitaire. La crise est haïtienne et internationale puisqu’elle touche non seulement les pays destinataires des migrants mais aussi ceux par lesquels il faut passer avant d’arriver aux États-Unis. La Bolivie, l’Équateur, le Pérou en Amérique du Sud sont de ce lot. Toute l’Amérique Centrale, particulièrement le Panama, Costa-Rica et Nicaragua, en reçoit les contrecoups. Le Ministre des Affaires Étrangères du Costa-Rica a d’ailleurs dû se rendre aux États-Unis au début du mois d’octobre demander à ce dernier de prendre les dispositions pour épargner son pays de devoir gérer sur un temps trop long les tracasseries liées au passage de plusieurs milliers de personnes sur son territoire. Si le Costa-Rica aborde le problème comme relevant de l’humanitaire, le Nicaragua le considère sous l’angle de sa sécurité nationale. Conséquence : les prisons de Managua sont bondées de malheureux Haïtiens.

Ce qui suit est à la fois des résumés et une synthèse des entretiens cordiaux et francs avec les Ambassadeurs sus-mentionnés.

2014

4053

349

3704

2015

13299

633

12666

2016

43898

1936

41962

Jan-Jul 2017

44289

1294

42995

                 Total

120789

12898

107891

                                                                                                                    Évolution des arrivées d’Haïtiens au Chili (source : Ambassade du Chili à Port-au-Prince)

Brésil et Chili : deux cas semblables

Le Brésil et le Chili étaient ont offert la migration à Haïti : concernant le premier, besoin de main-d’œuvre pour les grands travaux que nécessitaient la Coupe du Monde de football 2014 et les Jeux Olympiques de Rio 2016 ; le deuxième pour accompagner une croissance économique incontestable. Ces deux phénomènes de développement au Brésil et au Chili et le séisme de 2010, le choléra et le cyclone Matthew, ont coïncidé, aggravant la misère dans notre pays. En outre, ces deux pays, particulièrement le Brésil, étaient fortement impliqués dans la mission de la Minustha. Les deux ont usé de la diplomatie du football en match amical avec Haïti : Haïti – Chili, 23 mai 2007 à Port-au-Prince et 19 janvier 2013 ; Haïti-Brésil à Port-au-Prince,18 août 2004, appelé « Match de la Paix ». Les anciens présidents du Brésil, Lula et Dilma Roussef, aussi bien que la présidente du Chili, Michelle Bachelet, ont visité Haïti, cette dernière deux fois, en 2010 et 2017. Ainsi, l’ouverture de leurs frontières aux Haïtiens répondent à la fois à des préoccupations géopolitiques, économiques et humanitaires.

Le Brésil

Lors de sa visite en Haïti en 2012, la présidente du Brésil, Dilma Roussef, avait annoncé la décision de son gouvernement de créer un visa spécial pour les Haïtiens : le Viper, visa permanent spécial. De cette date à 2016 le Conseil National d’Immigration a enregistré l’arrivée de 107000 Haïtiens au Brésil : 64 000 munis de visa, 43000 irréguliers qui sont passés par la frontière terrestre avec la Bolivie. Par là, ils atteignent la ville Epitazolandia, ensuite Porto Velho de l’État Rondonia puis, la très grande majorité Sao Paulo. Eux tous ont été régularisés. Les travaux des infrastructures sportives au Brésil ayant pris fin depuis 2016, on a constaté un reflux des travailleurs haïtiens vers le Chili et les États-Unis. Les chiffres ne sont pas précis. L’Ambassadeur Vidal estime qu’ils devraient être 5000 à 10000 à avoir laissé son pays. Mais le Mexique en a bloqué au moins 20000 sur sa frontière avec les États-Unis. Certains d’entre eux sont aussi passés par l’Amérique Centrale, du Panama au Guatemala.

Le Chili

La migration haïtienne vers le Chili est sans aucun doute la plus spectaculaire et la plus connue.  Elle a commencé timidement dès le début des années 2000. Elle grimpe en 2013 à 44000. En cette année 2017, les autorités chiliennes ont enregistré l’arrivée de 58000 Haïtiens. La ligne de transport aérien Latin American Ways effectue neuf (9) vols par semaine Port-au-Prince-Lima-Santiago du Chili. Le nombre de passagers dans ces vols oscille entre 120 et 140. La destination est si juteuse que Sunrise, compagnie haïtienne de transport aérien, tente sans succès d’obtenir l’autorisation des autorités chiliennes pour pénétrer ce marché. Dans le même temps, la ligne aérienne panaméenne Copa Airlines offre quatre (4) vols Panama – Santiago du Chili. La moitié des passagers sont Haïtiens. Environ 120789 Haïtiens, depuis 2010, se sont rendus au Chili (voir le tableau ci-dessous).

Année

Entrées

Sorties

Solde migratoire

2010

 3606

2716

890

2011

4714

2840

1874

2012

4914

2868

2046

Bien que le pays d’accueil fût coopératif, il commence à se soucier des difficultés administratives qu’entraîne une telle augmentation de services à fournir en un temps record. C’est ainsi que le parlement chilien a voté une loi en août dernier portant sur un nouveau système de gestion de la migration. Cette loi crée une nouvelle catégorie de migrants : visiteur résident. À retenir, en plus de la reconnaissance des diplômes haïtiens pour faciliter l’intégration des arrivants, des mesures sont prises en faveur de la réception des mineurs. Autrement dit, très prochainement, le Chili pourrait décider de ne donner de visa que dans le cadre du regroupement familial.

Par ailleurs, au cours de la conversation une parenthèse a été ouverte sur l’expérience des Chiliens en exploitation minière. Haïti aurait, en effet, intérêt à étendre le champ de sa coopération chilienne, notamment vers la formation d’ingénieurs géologues haïtiens, car le lignite, le marbre, l’or, le carbonate de calcium, attendant d’être exploités ou explorés.

Le Mexique

De 2013 à 2016, près de 20000 Haïtiens, sortant du Brésil pour atteindre les États-Unis par la frontière mexicaine, ont été bloqués dans les villes Mexicali et Tijuana en face des villes américaines San Diego, Houston, San Antonio, Dallas. Environ 16000 se sont, soit éparpillés au Mexique même, particulièrement à Ecatepec, municipalité limitrophe de la capitale Mexico, soit sont retournés en Haïti (très peu) ou au Brésil et au Chili. Le gouvernement  mexicain a aménagé des résidences temporaires pour les 4000 restés à Mexicali et Tijuana et a régularisé 2000 en leur accordant un visa humanitaire de résidence temporaire. Les 2000 autres sont susceptibles d’être refoulés. En outre, les dégâts du dernier séisme du 19 septembre 2017, a regretté l’Ambassadeur, pourraient obliger le gouvernement mexicain à geler le programme de coopération culturelle constituant en l’octroi de 500 bourses d’études annuelles à Haïti.

Les États-Unis

Les États-Unis sont concernés par le dossier migratoire haïtien à deux niveaux :

1- Le Statut de Protection Temporaire accordé le 20 janvier 2010 aux Haïtiens non régulièrement résidents, renouvelé depuis lors tous les 18 mois par l’Administration Obama, a été écourté pour six (6) mois le 23 mai dernier, ce qui signifie que l’Administration Trump déclarerait le 22 novembre prochain son expiration en janvier 2018. Et alors près de 60000 Haïtiens recommenceraient à vivre dans l’angoisse de l’illégalité, le spectre de l’expulsion des États-Unis planant sur eux en permanence. C’est ce que, du reste le 31 mai dernier, en visite à Port-au-Prince où il a rencontré le Président haïtien Jovenel Moïse, le Secrétaire de la Sécurité Intérieure des États-Unis, M. John Kelly, avait fait savoir. Mais, avait-il insisté, il devra y avoir une évaluation à mi-terme des efforts haïtiens dans le sens d’une préparation à l’accueil des émigrés, c’est-à-dire entre octobre et novembre  – on y est – qui permettrait à l’administration américaine de prendre sa décision en sachant qu’Haïti serait prêt au moment de la sentence de janvier 2018. Précisément, cette évaluation faite par le Département d’État, son titulaire Rex Tillerson aurait recommandé à Elaine Duke, Secrétaire ad interim du Département de la Sécurité Intérieure de ne pas étendre le TPS, selon un article paru dans l’édition du 3 novembre de Washington Post sous la plume de Nick Miroff et Karen DeYoung.

2- Depuis 2016 près de 7000 Haïtiens, provenant majoritairement du Brésil sont entrés illégalement aux États-Unis par la frontière mexicaine. La plupart d’entre eux ont été emprisonnés, certains relâchés, d’autres refoulés.

Pour corser le pèlerinage, rencontrer l’autorité diplomatique en Haïti était donc importante.

L’essentiel de la rencontre

En corollaire de la situation du peuple haïtien obligé, en masse, de chercher à gagner sa vie ailleurs que chez lui, et pour lequel le TPS est vital, Madame Robin Diallo a rappelé l’importance de l’aide américaine et s’est étonnée qu’Haïti après sept ans ne soit pas prêt à faire face au retour de ses ressortissants. L’argument humanitaire de la triple tragédie, le séisme du 12 janvier 2010, le choléra et le cyclone Matthew, est la réponse de la partie haïtienne qui reconnaît aussi les carences structurelles de son pays. Dans ces conditions, Haïti doit aussi compter sur tous ses amis, particulièrement la Chargée d’Affaires Diallo, pour être « les Ambassadeurs des Haïtiens concernés par le TPS auprès du State Department, de la titulaire du Homeland Security et du Président Donald Trump. »

La France

L’année 2016 a vu les jeunes Haïtiens désespérés s’engouffrer dans tous les exutoires possibles. La destination Antilles-Guyane étant réglementée par le visa français de plus en plus exigeant, le Surinam, frontalier de la Guyane, qui ne demande à ses ports d’entrée qu’une carte touristique d’une valeur de 20 euros, a servi d’opportunité de travail pour nos compatriotes et de voie d’accès en Guyane. Sur plus de 4000 cartes touristiques « vendues », seulement environ 100 ont été revues par les autorités d’immigration surinamiennes. En moins de deux mois, Cayenne était submergée par des demandes d’asile au point que la France a dû demander au Surinam de rétablir le visa pour endiguer la vague. Si l’on a enregistré quelques refoulements, la grande majorité de ce groupe de migrants ont bénéficié de la solidarité d’amis, parents et simples concitoyens en Guyane même. Mais leur sort légal est lié aux décisions qui sortiront de l’Assise des Outre Mers ouverte le 4 octobre dernier. Mais déjà, le Président Emmanuel Macron a annoncé des mesures par lesquelles il compte décourager les Haïtiens à émigrer dans les territoires français d’Outre-Mer. L’Union Européenne, a soutenu l’Ambassadeure Beton, croit encore dans l’efficacité des Mécanismes d’aide à l’identification des gens, un modèle d’aide qui inciterait  migrants refoulés à refaire racine dans leurs pays d’origine.

Les Bahamas

Depuis 2015, le gouvernement  des Bahamas est extrêmement sévère contre la migration illégale. Depuis, l’on a enregistré des arrestations et retenues au centre de détention Carmichaël qui visent Cubains et Haïtiens, selon la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme. Un article de l’agence de presse espagnole EFE, daté du 2 juillet 2015, informe qu’Amnesty International, autant que la CIDH, condamnent la politique migratoire des Bahamas vis-à-vis des Haïtiens qui sont maltraités à outrance. Les migrants haïtiens, le moins que l’on puisse dire, trouvent aux Bahamas, un désenchantement proportionnel au grand espoir qu’ils nourrissent quand ils partent. L’Ambassadeur Michaël Guy est peu disert sur la situation des Haïtiens. Mais l’on apprend que le programme de rapatriement est régulier : chaque mois, par quatre vols, environ 500 Haïtiens sont rapatriés.

Conclusion et propositions

Il ressort de ces entretiens que:

a)  la présence  de nos compatriotes sur ces terres procède de leurs besoins économiques. Qu’ils soient dans un pays ou un autre dépend des difficultés rencontrées sur le terrain de leurs migrations. Il apparaît, en effet, que les États-Unis sont la destination idéale; le Chili, un pis-aller se transformant petit à petit en patrie nouvelle; le Brésil, une sérieuse opportunité; le Panama et le Mexique, des voies obligées pour atteindre les États-Unis; les Bahamas et la Guyane, deux traditions de migration haïtienne; le DOM français, une destination privilégiée de la presqu’île du Sud plus fortement ancrée à Léogâne et surtout Aquin, les autres poches étant les Nippes et Saint Louis du Sud. Dans tous les cas, la règle est : partout sauf Haïti, comme en témoignent les titres et les contenus des deux documentaires de Valéry Numa, Destination Brésil et Chili à tout prix. Il faut lire entre autres dans le Nouvelliste du 16 août 2016 l’article de Patrick Saint Pré, Du Brésil vers les États-Unis : les Haïtiens partent à l’assaut de l’Eldorado au péril de leur vie.

b)  la situation va se prolonger. Les jeunes continueront de fuir notre pays dans les prochaines années, même si des mesures réalistes d’incitation à l’investissement créateur d’emploi sont  prises. Dans la Caraïbe anglaise, particulièrement les Bahamas, l’archipel Turks and Caicos et les territoires français d’Outre-Mer, le risque est grand de l’aggravation de l’haïtianophobie. Dans cette conjoncture, l’aide humanitaire, constituée essentiellement en génératrices et matériaux de construction, offerte par Haïti à Providenciales, est tout à fait appropriée. En Amérique du Sud, Il faudra désormais parler de la diaspora haïtienne d’Amérique latine, d’autant plus que les pays d’accueil doivent des visas de regroupement familial à leurs immigrés légaux. En même temps, compte tenu des conditions de vie générales de ces compatriotes, on peut raisonnablement craindre qu’ils ne soient l’objet de discrimination.

Crise profonde qui dénote l’échec d’un système

Ils sont près de 300 000 sur les sept années de 2010 à 2017 à avoir laissé le pays pour l’Amérique du Sud. Beaucoup d’entre eux remontent illégalement jusqu’aux États-Unis. Mais il faut aussi compter les Haïtiens tout à fait légaux qui partent vers les États-Unis, le Canada, l’Europe, la République Dominicaine. Parmi eux, des professionnels, des parents qui doivent accompagner leurs filles et fils étudiants… Et puis, de temps à autres, l’on enregistre, des naufrages ou des arrestations de bateaux mettant le cap sur les Bahamas, Turks and Caicos, voire Miami. D’autres expéditions touchent terre. Elles n’entrent pas dans les statistiques. Dans un autre registre, combien d’orphelins, d’enfants abandonnés ou confiés en connaissance de cause en adoption à des couples étrangers par des parents désespérés, laissent le pays? Les données de l’Institut du Bien-être social et de Recherche devraient compléter le dossier. Ainsi, l’ampleur de la crise migratoire de la conjoncture 2010-2017 n’est peut-être pas encore bien mesurée. Ce qui est certain, c’est que les citoyens haïtiens ne se sentent pas bien chez eux. Cela dénote un échec indiscutable de notre système social, économique et politique. Notre gouvernance est une productrice d’injustice sociale de première catégorie.

Un décret de Dessalines et notre impuissance coupable

Que faire ? La seule chose à ne pas faire c’est de ne rien faire. L’État haïtien doit prendre soin de ses ressortissants où qu’ils soient et quels que soient leur statut. Un exemple historique d’un symbolisme frappant : le décret du 14 janvier 1804 de Jean-Jacques Dessalines  « considérant  qu’un grand nombre de noirs et d’hommes de couleur indigènes souffrent aux États-Unis d’Amérique, faute de moyens pour retourner dans leur patrie, il sera accordé aux capitaines de bâtiments américains la somme de 40 gourdes pour chaque individu qu’ils ramèneront en Haïti ». Notre impuissance aujourd’hui à intégrer ce décret comme ligne directrice des rapports entre l’État et la nation est le résultat de nos fautes séculaires aggravées depuis maintenant près de 60 ans. Il nous faut nous ressaisir.

Une question s’impose : que souhaiterait n’importe quel Haïtien émigré de 2010 à aujourd’hui de la part de son pays ? Un sondage peut apporter la réponse. Mais autant que tout Haïtien sait que nous sommes un peuple de croyants, tout Haïtien sait aussi que dans l’esprit de tout Haïtien, chômeur, professionnel, employé de secteur privé ou d’État, le voyage  pour l’étranger est une préoccupation première. En outre, le chômage synonyme de misère pousse à la fuite. Donc, dans la majorité des cas, la fuite répond à cette double préoccupation de découvrir l’étranger et d’améliorer ses conditions de vie. Fort de cela, la première ligne de défense de nos ressortissants par l’État haïtien serait de suggérer aux pays amis un sursis sur l’exécution de rapatriement. Par là, situation accablante, constatons que la diplomatie haïtienne se trouve coincée entre la défense des intérêts de ses citoyens et sa dignité d’État, car quel État est légitimement placé pour encourager ses ressortissants à émigrer ? Ce déni de doctrine d’État comporte paradoxalement une dose de réalisme responsable. En effet, l’accueil de milliers de personnes implique une mise en place administrative rigoureuse et d’énormes moyens financiers pour transport, logement, soins médicaux, prime de réinsertion sociale… Haïti croulerait. D’ailleurs, c’est connu, la création de l’OIM en 1951 répond à une carence constatée chez les pays pauvres dans l’accueil des migrants. Et si, depuis quelque temps, la presse haïtienne ne relate de scandale relatif à l’accueil des rapatriés, l’OIM y est pour quelque chose.

En ce qui a trait à l’ampleur de notre embarras si des rapatriements se faisaient par vague, on risquerait de provoquer le greffage d’une crise humanitaire sur une autre. Notre faillite collective nous frappe en plein visage. Une faillite est une faillite. Et si nous déclarions être prêt à accueillir nos fils, ils répondraient avoir attendu en vain toute leur vie une main tendue de la société et de l’État : « Je suis ailleurs, en bien ou en mal, je ne vous connais plus. » Même étendu sur quatre ou cinq ans, serait une catastrophe le retour de personnes qui ont perdu familles et biens à cause du tremblement de terre de 2010, du choléra et du cyclone Matthew, de personnes qui n’ont jamais connu le plaisir et la fierté d’empocher un salaire en Haïti mais qui ont commencé à travailler dans le pays d’immigration ou qui ont de bonnes raisons d’espérer un mieux-être.

Si le Brésil et le Chili sont en train de prendre des dispositions en vue de diminuer considérablement le flux d’arrivée des Haïtiens sur leurs terres, il ne plane cependant aucun danger sur le rêve de ceux déjà établis régulièrement de s’y accomplir comme personne humaine. En revanche, pour ceux-là qui sont aux États-Unis, emprisonnés pour y être entrés illégalement, ou dotés du statut de protection temporaire, le danger de rapatriement est réel. Il paraît probable que la décision de ne pas étendre le TPS au-delà de janvier 2018, ou le contraire, sera annoncée officiellement le 22 novembre. C’est la même situation au Mexique pour environ 2000 de nos concitoyens et 4000 en Guyane. L’État haïtien, c’est-à-dire, les trois pouvoirs soutenus par la société civile, ont le devoir de prendre la question en main en maintenant serré le dialogue avec les États concernés.

En fait, la responsabilité des États-Unis est engagée sérieusement sur le plan juridique quant au  rapatriement de ceux-là auxquels ils avaient offert un logis et du coup la possibilité de travailler. L’expiration du TPS peut-elle signifier que les immigrés doivent s’empresser d’aliéner les biens qu’ils ont pu acquérir ? S’ils ne sont pas obligés de le faire, comment pourront-ils les gérer pendant qu’ils recommenceront à vivre en Haïti ? Et leur épargne bancaire ? Et leurs enfants encore adolescents ? Et ceux nés aux États-Unis ? Humanitairement et juridiquement parlant, les réponses à ces questions plaident en faveur des Haïtiens, l’opinion publique aussi. L’administration américaine  irait-elle jusqu’au bout de son intention première juste pour dissuader les potentiels candidats à l’immigration illégale ? La France serait-elle oublieuse du droit humanitaire et du flambeau de la liberté des peuples qu’elle a allumé en Europe  à la suite des Américains, premiers forgeurs d’indépendance en Amérique, tous deux malgré leur taille et  leur avance chronologique dans la civilisation occidentale en retard sur la valeur LIBERTÉ par rapport au liliputien Haïti, lui-même inventeur de la LIBERTÉ UNIVERSELLE, aujourd’hui, nous le reconnaissons, à cause de facteurs multiples, peu digne de son départ glorieux en 1801-1804.

Lutter contre la contrebande et la corruption

Mais une fois de manière durable et structurante, des mesures sérieuses prises contre la contrebande, la  corruption au cœur de l’État, contre les privilèges extravagants accordés aux dignitaires de l’État, contre le gaspillage de nos maigres ressources, collecter 300 milliards de gourdes pour l’éducation, l’agriculture, la santé, l’environnement, les investissements publics et privés, nationaux et internationaux, tout le reste de notre existence d’État-Nation marqué de bonne gouvernance, les fuites massives comme celles de la conjoncture 2010 – 2017, nous nous en éloignerons. Et la nation se réconciliera avec l’État.

Il faut aussi des mesures stratégiques ayant trait au maintien des liens juridiques et administratifs entre l’État haïtien et nos émigrés et, dans le même temps, travailler sur les liens affectifs entre tous les Haïtiens et l’État. Par exemple, reconnaître la nationalité haïtienne aux Haïtiens détenteurs d’une autre nationalité et à leurs descendants, où qu’ils soient, n’est pas le plus petit geste dans la bonne direction. L’on parle sans conviction de la Conférence Nationale depuis maintenant vingt bonnes années. La citoyenneté a besoin d’occuper une place plus importante dans nos débats.

C’est pourquoi le  peuple haïtien a plus que jamais besoin de ses élites. Gouvernement, politiques, spécialistes en questions migratoires, organisations de la diaspora, spécialistes des droits de la personne humaine, spécialistes en relations internationales, nous sommes tous interpellés pour une permanence sur le sort de nos compatriotes.

Fait à Port-au-Prince, octobre-novembre 2017

Sénateur Patrice Dumont

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